Pour satisfaire les demandes du Congrès musulman algérien de juin 1936, le Front populaire décida des mesures libérales dont sortit ultérieurement le projet Blum-Viollette prévoyant l’octroi de la nationalité française à 21 000 Algériens. Ce projet déclencha une très forte réaction de la part des Européens et une menace de grève des maires d’Algérie.
La radicalisation était donc en marche, entraînant la détérioration du climat politique, illustrée par de violents et sanglants incidents qui éclatèrent en 1937. L’immobilisme politique redevint ensuite la règle, avec comme priorité la lutte contre le courant nationaliste, ce qui eut pour résultat la multiplication des arrestations, dont celle de Messali Hadj. À la veille du second conflit mondial, et contrairement aux apparences, il n’était donc pas exagéré de dire qu’en Algérie, le feu couvait. La fraction politisée de la population algérienne musulmane, soit une infime minorité, se retrouvait alors dans quatre grands courants :
1- Les intégrationnistes demandaient l’association à la France. Leur leader Ferhat Abbas (1899-1985) dont le parti était l’UDMA (Union démocratique du Manifeste algérien) écrivit ainsi en 1936 : « Si j’avais découvert la nation algérienne, je serais nationaliste. […] je ne mourrai pas pour la patrie algérienne parce que cette patrie n’existe pas. Je ne l’ai pas découverte. J’ai interrogé l’histoire, j’ai interrogé les morts et les vivants ; j’ai visité les cimetières : personne ne m’en a parlé Nous avons donc écarté une fois pour toutes les nuées et les chimères pour lier définitivement notre avenir à celui de l’œuvre française dans ce pays […]. »
2- Les religieux réformistes regroupés dans l’Association des Oulémas ne désiraient alors pas la séparation d’avec la France.
3- Le PCA (Parti communiste algérien) fondé en 1936 par des Européens ne demandait pas non plus l’indépendance.
4- Les nationalistes suivaient Messali Hadj et ils étaient alors quasi exclusivement regroupés dans le PPA (Parti du peuple Algérien).
Au point de vue humain, l’Algérie connut une forte poussée démographique entre les deux guerres, la population indigène passant de 5,8 millions de personnes en 1921 à 7,2 millions en 1936 et à 8,6 millions en 1946. Quant aux Européens, ils étaient 681 000 en 1911 et 946 000 en 1936 dont 709 000 vivaient en ville. En 1930, les colons terriens étaient 34 821 et leur nombre s’effondra à 25 795 en 1938. Au total, en 1930, colons, fermiers, métayers et ouvriers agricoles, formaient une masse de 85 000 chefs de famille européens vivant à la terre. Ils étaient moins de 70 000 en 1938 car la crise de 1929 avait amplifié la crise du colonat dans tout le Maghreb avec un départ très réel de nombre de petits et moyens colons vers les centres urbains.
Bernard Lugan in Histoire de l’Afrique du Nord
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