De 1512 jusqu’à la prise d’Alger par les troupes françaises en
juillet 1830, l’Algérie faisait partie de l’Empire ottoman, même si les
beys qui la gouvernaient disposaient d’une très large autonomie par
rapport à la Sublime Porte. De prime abord, il ne reste pas grandchose aujourd’hui de cette présence turque de plus de trois siècles.
Il
faut dire que les Ottomans, qui habitaient essentiellement les grandes
villes des zones côtières, n’étaient pas très nombreux et que leur
présence s’est diluée au fil des ans par le biais de mariages contractés
avec des Algériennes, qu’elles fussent berbérophones ou arabophones.
Ces unions ont donné naissance à des « kouloughlis » – enfants issus
de mariages mixtes –, terme que l’on retrouve encore en Algérie
notamment sous la forme de noms de famille. On estime à moins de
5 % la population algérienne ayant des origines turques.
Cette
minorité n’est pas turcophone et n’a guère de liens familiaux avec la
Turquie actuelle. Toutefois, des associations tentent vaille que vaille
de réhabiliter le patrimoine et le legs turcs. Dans un pays parfois
tiraillé par ses questions identitaires et par l’opposition
Berbères/Arabes, revendiquer des origines turques permet ainsi de se
singulariser.
Outre les noms de famille, c’est sur les plans linguistique et
culinaire que l’on retrouve des vestiges de la présence ottomane en
Algérie. De nombreux noms de métiers (qui se finissent souvent par
la syllabe « dji ») et d’outils sont tirés du turc, de même que des noms
de plats (dolma, rechta, bouraks) et de pâtisseries (baqlawa, samsa,
qtayef).
La darja algérienne, autrement dit la langue arabe propre à
l’Algérie, comprend un millier de mots turcs, certains étant
fréquemment employés sans que leurs locuteurs en connaissent
l’origine.
Depuis le début des années 2000, la Turquie bénéficie d’une aura
nouvelle en Algérie. Déjà, dès les années 1980, c’est dans ce pays que
les jeunes trabendistes (commerçants qui importaient des
marchandises pour les écouler sur le secteur informel)
s’approvisionnaient en vêtements divers.
Par la suite, le succès des
feuilletons et séries en provenance des studios du Bosphore a donné
une image séduisante de la Turquie sous la forme d’un pays moderne
mais respectueux des traditions musulmanes. Autre facteur ayant
contribué à une « résurgence turque » en Algérie, le volontarisme du
Premier ministre puis président Recep Tayyip Erdoğan désireux, dès
son arrivée au pouvoir en 2002, de renouer avec le monde arabe et
de faire endosser à son pays le rôle de défenseur des Palestiniens.
Des universitaires algériens ont aussi découvert que la Turquie
moderne détient un nombre important d’archives ottomanes
concernant les populations algériennes qui dépendaient de la
Régence. Impôts, état civil, titres de propriété, litiges juridiques,
découpage administratif, cartographie des tribus : cette source
abondante d’informations commence à peine à être exploitée. Elle
permet aux Algériens d’avoir une idée plus précise de ce qu’était leur
société avant la conquête française de 1830.
L’engouement est tel que es autorités envisagent d’introduire l’apprentissage de la langue
turque dès le collège.
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