SCOUTS MUSULMANS ALGÉRIENS (SMA)

histoire

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C’est au cœur de l’entre-deux-guerres que les premiers groupes de scouts algériens sont créés à l’initiative de deux personnes : Mohamed Bouras et le cheikh Ben Badis. Dès 1930, le premier, conquis par les enseignements du scoutisme français, est à l’origine du groupe scout El Falah (La Réussite) à Alger.

Le second fonde en 1935, à Constantine, le groupe Erradjah (Espoir). Rapidement, leur exemple crée une dynamique au sein de la jeunesse, encouragée durant cette période par l’Association des ulémas musulmans algériens (AUMA) à l’échelle de la plupart des centres urbains.

En juillet 1939, à Maison Carrée, près de 150 chefs selon le témoignage de Mahfoud Kaddache (Les Soldats de l’avenir, 2003) participent à la fondation de la Fédération des scouts musulmans algériens (FSMA). Ils sont 450 au rassemblement tenu à Tlemcen, au cours de l’été 1944. La multiplication des groupes scouts, les symboles arborés (fanions vert et rouge), les chants qui rythment leurs défilés (dont le poème de Ben Badis « Chaâbou el djazaïr muslimoun » [« Le peuple algérien est musulman »]) inquiètent l’administration française au point d’inviter les chefs des scouts et éclaireurs de France à encadrer une session de formation destinée aux cadres des SMA, à El Riad (Alger).

Lors des manifestations de mai 1945, la participation des scouts à tous les défilés (au cours desquels Bouzid Saâl, porteur de l’emblème algérien à Sétif le 8 mai, est abattu) est remarquable. Aussitôt, le mouvement est interdit dans le Constantinois et en Kabylie et ne reprend qu’après l’amnistie de mars 1946 qui libère les détenus arrêtés en mai 1945.

Il a comme particularité d’être plus proche du PPA-MTLD. Et lors des rencontres internationales (jamboree de la paix en France en 1947, Festival mondial de la jeunesse à Prague en 1949…), les scouts algériens racontent leur situation coloniale et relaient les revendications nationalistes du PPA-MTLD. Cette implication du parti le plus radical au sein des SMA est mal appréciée par certains chefs scouts et sera à l’origine d’une scission qui a donné lieu à la création des Boy-scouts musulmans d’Algérie (BSMA) en 1948.

Avec les chefs du scoutisme français (Scouts de France, Éclaireurs de France…), les échanges sont nombreux et sincères et abordent les divergences quant au refus de procéder à la levée du drapeau français, à la définition de la patrie. Citons Pierre Rigal qui entretient des relations suivies avec des responsables scouts algériens comme Mahfoud Kaddache, Omar Lagha et Salah Louanchi.

Dans le même esprit, l’Association de la jeunesse algérienne pour l’action sociale (Ajaas) qui voit le jour en 1952, grâce aux bonnes volontés telle celle de Pierre Chaulet, est ouverte aux jeunes de toutes origines et se consacre à des tâches socioculturelles. En 1954, l’Ajaas se dote d’une revue, Consciences maghribines, avec le concours du Pr André Mandouze dont le comité de rédaction comprend des dirigeants des SMA.

Au lendemain du 1 er novembre 1954, l’opération « Orange amère* » porte un coup de boutoir aux activités des SMA en arrêtant ses dirigeants. Ne restent que des « patrouilles libres » qui continueront difficilement leurs tâches, réduites à de la propagande* et à de l’aide aux familles de détenus, en l’absence de toute direction officielle. Nombreux sont les responsables des SMA qui perdent la vie lors de la « bataille d’Alger* », des manifestations de décembre 1960* ou au maquis.

Ouanassa SIARI TENGOUR

Bibl. : Jean-Jacques Gauthé, « Les Scouts musulmans algériens vus par les services de renseignements français (1945-1962) », in Nicolas Bancel, Daniel Denis et Youssef Fates (dir.), De l’Indochine à l’Algérie. La jeunesse en mouvements des deux côtés du miroir colonial, 1940-1962, La Découverte, 2003 • Mahfoud Kaddache, « “Les soldats de l’avenir”. Les Scouts musulmans algériens (1930-1962) », in Nicolas Bancel et al. (dir.), De l’Indochine à l’Algérie, op. cit. • Mohamed Tayeb-Illoul et Ali Aroua, Le Groupe Émir Khaled de Belcourt. Un maillon des Scouts musulmans algériens, Alger, Dahlab, 1991.