La question de l’origine des Berbères a fait couler beaucoup d’encre. Les auteurs grecs et latins, puis arabes et européens ont avancé les légendes les plus fantaisistes à ce sujet : origine perse, mède, cananéenne, yéménite, ibérique, celtique, germanique, grecque… La motivation idéologique de ces thèses est évidente : chaque conquérant a fait venir les Berbères d’ailleurs pour légitimer sa propre présence et sa domination en Afrique du Nord. Dans le champ scientifique, l’origine moyen-orientale a longtemps prévalu, cette région étant considérée comme le berceau du monde méditerranéen. Les tenants d’une origine africaine sont nombreux aussi et ont proposé des localisations primitives en Afrique centrale ou orientale. Mais il n’y a aucun indice positif d’un mouvement d’est en ouest ou du sud - sud-est vers le nord - nord-ouest qui pourrait conforter l’une ou l’autre de ces thèses. Au contraire, les données préhistoriques et linguistiques établissent l’ancienneté et la continuité du peuplement et de la langue berbères dans leur aire d’extension. Les Berbères ont des racines anciennes en Afrique du Nord et il est raisonnable de les considérer comme les « autochtones » de l’Afrique du Nord, avec tout ce que peut avoir de relatif cette notion.
L’histoire des Berbères apparaît comme une succession d’invasions et de dominations étrangères : celle des Phéniciens et de leurs successeurs, les Puniques, de la fin du II millénaire avant J.-C. jusqu’à la destruction de (– 146), celle de Rome (– 146 à + 439), celle des (439 à 533), des Byzantins (533 à 647), des e Carthage Vandales Arabes qui apportent l’islam (la conquête est achevée au début du VIII siècle), celles des Turcs Ottomans (début du siècle), enfin celle des puissances coloniales e XVIe européennes à partir du XIX siècle. Depuis longtemps, les Berbères semblent avoir été un peuple « aux marges de l’histoire », dominé et marginalisé par les conquérants e successifs.
Pourtant, contrairement à bien d’autres peuples de la périphérie méditerranéenne, ils ont survécu jusqu’à nos jours. Leur société, leur culture et leur territoire recelaient sans doute des capacités de résistance exceptionnelles. À leur apogée, les royaumes berbères antiques (II siècle avant J.-C. : dynasties et maures), subissent déjà la suprématie de Carthage. Avec l’annexion e numides progressive par Rome (à partir de – 40), l’Afrique du Nord entre dans le giron latin pour plus de cinq siècles. L’occupation romaine a accentué le processus de refoulement aux marges des populations indigènes fidèles à leurs modes de vie. Le phénomène est net pour les périodes tardives où l’effondrement du pouvoir romain s’accompagne d’un retour de la « berbérité » jusque-là réfugiée dans les zones montagneuses et présahariennes. Ainsi, Masuna, un prince de la région de Tlemcen peut se proclamer au début du VI siècle : : roi des Romains et des Maures. e rex gentium romanorum et maurorum Après une longue résistance au VII siècle, conduite notamment par Koceila et la Kahina, la conquête arabe fait basculer l’Afrique du Nord dans l’orbite e arabo-musulmane.
L’islam s’impose, mais en prenant souvent la forme d’hérésies locales ou de courants sectaires (comme le kharidjisme), dans lesquels on a vu des résistances indigènes à la suprématie arabe. L’arabe se diffuse dans les villes et remplace le latin en tant que langue des élites et des cités. Plus tard, après l’arrivée de nomades arabes (invasions hilaliennes) venus du Moyen-Orient au XI siècle, l’arabe va concurrencer le berbère en milieu rural, dans les zones de plaines, de hautes e plaines et de piedmonts sahariens, favorables à l’installation de ces éleveurs nomades. En cinq siècles, les progrès de l’arabisation sont tels que le berbère est éliminé dans de larges zones du Maghreb.