De la Principauté à l'Empire

histoire
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Naissance

Vers 1230-1240, l’invasion de l’Asie centrale par les Mongols héritiers de Gengis Khan chasse devant elle de nombreuses tribus turkmènes de la branche oghouz, notamment les Kayi, menés par leur chef Erto, qui s’installent en Anatolie occidentale. Entrés au service du sultan seldjoukide Alâeddin, ils reçoivent en récompense, vers 1260, la région de Seuyut (Söüt) avec mission de la défendre contre les Byzantins. De ce petit territoire, coincé entre un Empire grec fantôme et quelques principautés turcomanes dépendant du sultan seldjoukide de Konya, va naître l’État ottoman. Osman Ier, successeur d’Erto et fondateur de la dynastie ottomane Osmanli, s’attaque aux Grecs et contrôle la partie orientale de la Bithynie byzantine. Son fils Orhan Gazi, plus offensif, prend Brousse (1326), Nicée (1330 ou 1331) et Nicomédie (1337), et triomphe de l’émirat de Karasi, établi sur le rivage méridional de la mer de Marmara et des Dardanelles (1340-1345).

Le règne d’Orhan Gazi (1326‑v. 1360)

L’État ottoman est alors en gestation; Orhan, habile organisateur, met en place un embryon d’administration, frappe monnaie, et entreprend dans Brousse – sa capitale – la construction de mosquées et d’écoles de théologie. Son armée devient d’autant plus importante que ses premiers succès lui valent le ralliement de nombreux gazis (membres de confréries religieuses prêts à combattre pour l’islam). Enfin, les Ottomans ont créé un corps militaire original, les janissaires; ce corps de mercenaires, constitué d’enfants chrétiens enlevés aux divers points de l’Empire puis élevés dans la religion musulmane, va constituer pendant très longtemps une troupe de choc pour l’armée ottomane.

Les Ottomans finissent par se lancer à l’assaut de la Thrace, prennent le fort de Gallipoli puis la ville d’Andrinople, d’où Murad Ier entreprend une série de raids victorieux en Macédoine, en Bulgarie et en Serbie (bataille de Kosovo, juin 1389, au cours de laquelle il est assassiné). Tout comme Orhan, Murad avait poursuivi l’œuvre d’organisation de l’État. À son initiative est mise en place une administration centralisée (le divan) composée d’une multitude de bureaux placés sous l’autorité d’un haut dignitaire: le grand vizir. La gestion des provinces (sandjak) était assurée par l’attribution de tenures à des militaires qui, en contrepartie, garantissaient la levée des impôts, mais fournissaient aussi l’armée en soldats. Toutefois, cet empire naissant demeure fragile.

Bayezid Ier (1389-1402)

Venu au pouvoir en 1389, il entreprend de le consolider en soumettant l’Anatolie occidentale et centrale, à l’exception de l’émirat de Karaman. À l’ouest, en Europe balkanique, la menace qu’il fait peser sur la Hongrie catholique suscite la réaction occidentale. La confrontation, encouragée par le pape Boniface IX, survient le 25 septembre 1396 à Nicopolis. Les croisés (Hongrois, Français, Allemands, Anglais et Italiens) sont écrasés par les troupes ottomanes; confortées par cette retentissante victoire, celles-ci s’aventurent plus profondément dans les Balkans, s’implantent en Albanie et occupent la Morée (1397).

Cependant, depuis la lointaine Transoxiane, les Mongols guettent le flanc oriental des territoires ottomans. Tamerlan (Timur Lang), déjà maître de l’Iran et de l’Iraq, poursuit son épopée en direction de l’Anatolie. L’affrontement survient à Ankara; le 20 juillet 1402, Bayezid, vaincu, est fait prisonnier. Cette défaite déstabilise l’État ottoman. Tamerlan annexe l’Anatolie, où, pour parer à tout risque de renaissance ottomane, il reconstitue de nombreux émirats turcomans.
Dix années de discorde La débâcle entraîne aussi la mésentente entre les fils de Bayezid, qui, dix ans durant, se disputent le pouvoir. L’ordre rétabli en 1412, Mehmed Ier rétablit l’unité de l’Empire morcelé. Murad II (1421-1451) relance l’expansion, ce qui suscite encore une vaine riposte catholique. Les croisés, après avoir massacré des milliers de prisonniers ottomans et détruit des églises sous prétexte qu’elles étaient schismatiques, finissent par s’incliner à Varna le 10 novembre 1444.

Mehmed II (1451-1481)

La Méditerranée au XVe siècle Chronologie (1453) Le 29 mai 1453, Mehmed II réalise enfin le rêve que caressait déjà Bayezid Ier: se donner pour capitale la prestigieuse ville de Constantinople. L’État ottoman, devenu empire à vocation universelle, étend sa domination sur le Péloponnèse, l’Albanie, la Bosnie et la Moldavie. À l’est, en Anatolie, les turbulents Karamanides sont assujettis (1474). En mer Noire, le khanat de Crimée tombe sous la suzeraineté ottomane. La République de Gênes perd Caffa, Azov et Lesbos; Venise peut poursuivre ses activités orientales mais doit se résigner à payer un fort tribut annuel. Mehmed II, étant lui-même poète, bon connaisseur de l’arabe, du persan, du grec et grand amateur de théologie et de sciences, s’emploie à faire de sa capitale un véritable foyer culturel. Ainsi, il réforme les medreses, où l’enseignement de l’arabe, du persan, du droit et de la théologie islamiques, de l’arithmétique, de la médecine et de l’astronomie devient courant; puis une université, où des savants de toutes confessions sont invités, est fondée. Mehmed II invite à sa cour de nombreux intellectuels et artistes chrétiens, dont le peintre Gentile Bellini. Cependant, son goût pour la culture ne lui fait pas perdre de vue la nécessité de parfaire l’organisation de l’Empire. Sous son égide, Istanbul s’enrichit de 4 000 familles venues des Balkans et d’Anatolie, ainsi que d’artisans et de marchands chrétiens; ceux-ci bénéficient de sa protection et, à partir de 1461, disposent de leur propre patriarcat. L’administration, assainie, se voit imposer des normes définies par des lois séculières réunies en recueils. Une réforme foncière consistant à confisquer au profit des militaires des terres privées (molk) et des biens religieux (wakf) permet d’augmenter les ressources de l’État en revenus et en hommes.

Bayezid II (1481-1512) L’Empire de Charles Quint

L’ascension de l’Empire ottoman se poursuit sous le règne de Bayezid II. Avec la construction de nouveaux bateaux et le recrutement de corsaires expérimentés, le souverain se dote d’une force navale qu’il oppose avec succès aux Vénitiens, leur ravissant Coron, Lépante, Modon et Durazzo. Toutefois, face à l’État mamelouk d’Égypte, les campagnes militaires restent infructueuses, et les Ottomans doivent se résigner à la conclusion d’une paix en mai 1491; il en est de même avec les Hongrois (1503). Ces trêves sont d’autant plus nécessaires que dans l’émirat de Karaman les tribus turcomanes tourgout et varsak sont entrées en rébellion. Incapable de parer à la lente décomposition de l’Anatolie ottomane, Bayezid II, contesté par son fils Selim (aidé des janissaires), abdique en 1512.

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