García Lorca

personnalites
Auteur:
Source ou livre:
Numéro de la page:

Contenu de l'article

1

PRÉSENTATION

Federico García Lorca

Globe Photos, Inc.

García Lorca, Federico (1898-1936), poète et auteur dramatique espagnol qui sut concilier dans son œuvre héritage folklorique, tradition populaire et culture savante, et qui est sans doute l’écrivain hispanique le plus célèbre après Cervantès.

2

VIE ET MORT D’UN POÈTE

2.1

Expériences et expérimentations

García Lorca, Cernuda et Aleixandre y Merlo

Le poète sévillan Luis Cernuda (au centre), Federico García Lorca (à gauche) et Vicente Aleixandre y Merlo (à droite).

Archivo Fotografico Oronoz

Né à Grenade, dans une famille de la bourgeoisie andalouse aisée et libérale, Federico García Lorca s’initia très jeune à la peinture, à la poésie et à la musique. Durant ses études de droit et de lettres aux universités de Grenade et de Madrid, il se lia d’amitié avec Salvador Dalí, Luis Buñuel et Rafael Alberti, en compagnie desquels il se passionna pour les premières expérimentations littéraires et picturales du surréalisme.

Dès 1920, il fit représenter sa première pièce, le Maléfice de la phalène, une comédie en vers qui n’obtint aucun succès. Il se consacra alors exclusivement à la poésie ; la publication de Canciones (1921) et du Romancero gitan (1928), où s’exprimait l’influence de la tradition orale andalouse, lui valut bientôt une notoriété croissante.

Il voyagea aux États-Unis, à Cuba (1929-1930), puis en Argentine et en Uruguay (1933-1934). En 1931, la publication de Poème du Cante jondo réaffirmait l’importance du chant gitan et de l’univers surréaliste dans son inspiration poétique. Cependant, l’expérience du Nouveau Monde, notamment la découverte marquante du continent sud-américain, fut source pour lui de renouvellement et d’enrichissement thématique : c’est ce dont témoignent la complexité savante et le lyrisme exubérant du recueil Poète à New York (1934).

2.2

La maturité et les travaux pour la Barraca

En 1935, García Lorca renoua avec sa passion pour l’art dramatique en fondant, avec une troupe de jeunes acteurs, la compagnie théâtrale la Barraca, qui se proposait de parcourir l’Espagne afin de faire découvrir au public populaire les grands classiques du théâtre espagnol (Cervantès, Lope de Vega, Calderón).

Cette expérience fut, pour l’écrivain, l’occasion de se consacrer tout entier à l’activité théâtrale ; il fit d’abord jouer ainsi une série de ses comédies où s’exprimaient toute la verve et toute la fantaisie du peuple andalou, Amour de Perlimplin et de Bélise dans leur jardin (1931) ; la Savetière prodigieuse (1929-1933) ou Doña Rosita la célibataire (1930).

Par la suite, il fit représenter une trilogie de pièces tragiques, considérées comme les plus représentatives et les plus importantes de son œuvre théâtrale : Noces de sang (1933) ; Yerma (1935) et la Maison de Bernarda Alba (1936). À cette trilogie dramatique, il faut ajouter une pièce inachevée, le Public (1936).

Connu pour ses sympathies de gauche et son engagement auprès des plus défavorisés, García Lorca fut arrêté à Grenade aux tout premiers jours de la guerre civile espagnole, bien qu’il n’eût aucune activité politique à proprement parler. Il fut fusillé par la garde franquiste, dans des conditions demeurées mystérieuses, le 19 août 1936. Il a laissé de nombreux manuscrits inédits, plusieurs centaines de dessins et toute une série de projets dramatiques.

3

ŒUVRE

García Lorca, Chant funèbre pour Ignacio Sánchez Mejías

« Je ne veux pas qu’on lui couvre le visage de mouchoirs

Afin qu’il s’habitue à cette mort qu’il porte.

Va, Ignacio : le chaud meuglement ne te soit pas sensible.

Dors, vole, repose : la mer aussi se meurt ! »

Federico García Lorca, Chant funèbre pour Ignacio Sánchez Mejías, 1934. Traduction de Pierre Darmangear. Éditions Gallimard.

© Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

L’écriture de García Lorca, profondément enracinée dans la culture et le génie de la terre andalouse qu’il a magnifiés, est parcourue de références multiples : le baroque espagnol, le romantisme, le symbolisme européen, mais aussi les avant-gardes diverses des années 1920. À partir de ce réseau complexe d’influences, le poète sut créer une œuvre unique, profondément originale, échappant à tout classement.

3.1

Poésie

Si sa poésie ardente et contrastée rapprochait en effet l’imaginaire savant de l’univers baroque, la modernité surréaliste et le répertoire poétique populaire ancien, c’était pour en extraire une rêverie très personnelle, hantée notamment par les figures de la séparation et de la mort — et plus particulièrement de la mort violente —, comme l’illustrait, en 1934, le célèbre Chant funèbre pour Ignacio Sánchez Mejías_,_ un toréro tué dans l’arène. La quête existentielle de Lorca fit de la poésie le moyen suprême par lequel inscrire les visages multiples de la vie au cœur même de la douleur inhérente à la condition humaine.

3.2

Théâtre

Margarita Xirgu, actrice vedette de Lorca

Amie de Lorca, l’actrice et metteur en scène barcelonaise Margarita Xirgu (1888-1969) contribua très activement, à la tête de sa compagnie, au renouveau de la scène espagnole, des années 1910 à la guerre civile. Établie à Madrid à partir de 1914, elle monta de nombreuses œuvres de l’avant-garde européenne et permit surtout à l’Espagne de découvrir ses propres auteurs contemporains, au premier rang desquels Federico García Lorca, dont elle créa la plupart des pièces, interprétant le plus souvent elle-même les rôles-titres : Mariana Pineda, 1927 ; la Savetière prodigieuse, 1930 ; la Maison de Bernarda Alba, 1936 ; etc. En tournée en Amérique latine au moment du déclenchement de la guerre civile, elle fut poursuivie sa vie durant par le régime franquiste pour son engagement républicain.

Archivo Fotografico Oronoz

Dans la continuité de son travail poétique, le théâtre de Lorca illustrait son amour pour les traditions populaires, la gaieté et l’humour andalous, qu’il revisitait dans une veine légère, en laissant transparaître cependant les préoccupations sociales et les interrogations politiques de son temps.

D’une tonalité sombre et grave, les pièces de sa trilogie ont souvent été comparées aux tragédies de la Grèce ancienne. García Lorca y mit en scène les visions obsédantes qui parcouraient son âme : la passion amoureuse qui conduit inéluctablement vers la mort dans Noces de sang_,_ le drame solaire de la stérilité dans Yerma et enfin, l’enfermement, la folie et la solitude extrême dans la Maison de Bernarda Alba_._

Pièce plus déroutante encore dans sa conception et dans sa construction (elle fait évoluer ensemble plusieurs niveaux d’actions et de situations), le Public convoquait à nouveau dans l’œuvre de Lorca le thème de la quête de l’identité humaine. La mort tragique et prématurée de l’écrivain l’empêcha de poursuivre cette œuvre ambitieuse et moderne.

comments powered by Disqus