Séparation des pouvoirs

politique
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PRÉSENTATION

pouvoirs, séparation des, principe de droit public selon lequel les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire doivent être exercés par des instances différentes, qui constituent des contre-pouvoirs et s’équilibrent mutuellement, garantissant ainsi la liberté individuelle des citoyens et prévenant toute forme de despotisme.

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LES ORIGINES DE LA NOTION

Charles de Montesquieu

Charles de Montesquieu

Dans De l’esprit des lois, Montesquieu se prononça en faveur d’une monarchie modérée et fut le premier penseur politique à prôner la séparation des pouvoirs comme une garantie contre le despotisme.

École française d’après Jacques-Antoine Dassier, Portrait de Montesquieu, v. 1728. Huile sur toile, 63 × 52 cm. Musée national du château de Versailles.

Roger-Viollet/Getty Images

Théorisée par Montesquieu, dans son ouvrage De l’esprit des lois (1748), qui affirme que « Tout serait perdu si le même homme ou le même corps […] exerçait ces trois pouvoirs, […] celui de faire les lois, celui d’exécuter les résolutions publiques et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers », cette conception a exercé une influence considérable sur la pensée politique et l’évolution des systèmes constitutionnels. Si Montesquieu évoque le pouvoir judiciaire, toute son attention se concentre cependant sur la manière dont peuvent fonctionner le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. La séparation des pouvoirs, conception inséparable de l’avènement de la démocratie, a prêté à de multiples interprétations. Elle peut, en tout état de cause, s’incarner dans divers types de régimes politiques.

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L'EXEMPLE AMÉRICAIN

La pensée de Montesquieu a inspiré le régime présidentiel américain fondé en 1787 (voir États-Unis d’Amérique). Les constituants ont ainsi institué un régime de stricte séparation des pouvoirs correspondant à une stricte séparation des fonctions : le gouvernement gouverne et exécute les lois, le Parlement légifère, la Cour suprême tranche les différends juridiques. Dans le cadre de ce système, le pouvoir exécutif est détenu par une seule personne, le président, à la fois chef de l’État et du gouvernement. Élu au suffrage universel, responsable de la politique étrangère, il joue un rôle moteur dans la politique nationale. Indépendant face au Congrès (Sénat et Chambre des représentants), il ne peut le dissoudre. Le Congrès, pour sa part, dispose de pouvoirs importants en matière législative et budgétaire.

Les États-Unis constituent donc l’exemple d’un régime où les pouvoirs se contrôlent mais ne peuvent s’éliminer l’un l’autre. Cependant, la pratique politique a infléchi cette rigide séparation des pouvoirs, dans la mesure où le président dispose d’un droit de veto à l’égard des lois votées par le Parlement, participe à l’initiative des lois et à la préparation du budget et où le Sénat est investi du pouvoir de confirmer les nominations décidées par le président. En outre, les contacts sont nombreux entre le Congrès et les membres du gouvernement, créant ainsi un système permanent d’échanges qui ménage une large part à la négociation.

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LE RÉGIME PARLEMENTAIRE

La conception de Montesquieu a également influencé le modèle du régime parlementaire, dans lequel règne une séparation souple des pouvoirs, amenés à collaborer constamment entre eux. Le pouvoir exécutif (souverain ou chef de l’État) et le pouvoir législatif œuvrent de concert par l’intermédiaire du gouvernement qui conduit la politique de la nation en accord avec le chef du pouvoir exécutif, tout en étant politiquement responsable devant le Parlement. En revanche, le chef de gouvernement dispose du droit de dissoudre le Parlement, moyen de pression politique qui introduit un équilibre avec les pouvoirs du Parlement et oblige les deux parties à dialoguer. Dans le cadre de ce système, qui aboutit de fait à une collaboration, le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif ont la faculté de s’équilibrer mutuellement.

Cependant, l’évolution historique et politique a infléchi la théorie de Montesquieu, introduisant deux types de modification. La première, c’est la dérive vers un régime d’assemblée, comme l’a connu la France sous la Convention nationale (et qui correspond à la lettre de la Constitution du 24 juin 1793, qui ne fut jamais appliquée). Dans le cadre de ce système, l’assemblée élue, toute-puissante, exerce un contrôle de fait sur l’exécutif, qui devient alors le simple instrument de la représentation nationale, au risque de s’interdire toute action de crainte d’être censuré. L’autre modèle, c’est celui du « parlementarisme rationalisé », vers lequel beaucoup de régimes politiques ont évolué en raison de la complexité croissante des affaires politiques. Ce phénomène a conduit à une extension du pouvoir du gouvernement et de son chef face au Parlement, dont le rôle s’est amenuisé en raison de l’adoption de techniques législatives organisant la subordination de l’activité parlementaire aux priorités définies par l’exécutif (délégations de pouvoir accordées au gouvernement, vote bloqué, maîtrise de l’ordre du jour des assemblées par le gouvernement) et en raison de la discipline que s’imposent les partis de la majorité gouvernementale, décidés à éviter les conflits avec le gouvernement.

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LE CAS FRANÇAIS

Paradoxalement, bien que la tradition politique française eût exprimé avec force son attachement à la séparation des pouvoirs, fondé sur l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme qui affirme que « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée n’a point de Constitution », la pratique politique qui a prévalu pendant plus d’un siècle n’a pas semblé assurer la mise en œuvre de ces principes. De 1877 à 1958, la France républicaine a connu un régime d’assemblée qui témoignait d’un déséquilibre des pouvoirs au profit du Parlement (Chambre des députés et Sénat sous la IIIe République, Assemblée nationale sous la IVe République). Le Parlement, centre de la vie politique, pouvait aisément, en raison de l’indiscipline des partis, retirer sa confiance au gouvernement en adoptant une motion de censure. Le chef de gouvernement ne disposait pas, en effet, de l’arme de riposte que représente la dissolution (tombée en désuétude sous la IIIe République après la crise de mai 1877 et difficilement praticable sous la IVe République).

À l’inverse, les institutions de la Ve République ont créé un déséquilibre des pouvoirs au profit du président de la République, principal détenteur du pouvoir exécutif. Irresponsable devant l’Assemblée nationale, il dispose de pouvoirs propres importants (dont le droit de dissolution) et son autorité a été encore accrue à partir de 1962 par son élection au suffrage universel (voir élection présidentielle) et par la coïncidence existant le plus souvent entre la majorité parlementaire et la majorité présidentielle. Dans ce cadre, le Parlement dispose de moyens d’action et de contrôle limités par la Constitution (mécanismes du « parlementarisme rationalisé », création d’un véritable pouvoir réglementaire au profit du gouvernement, transfert du contrôle de la constitutionnalité des lois au Conseil constitutionnel), d’autant que la Constitution autorise le gouvernement à intervenir de manière autonome dans les matières législatives à condition d’y avoir été habilité par le Parlement. La séparation entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif existant en théorie n’est donc pas entièrement respectée dans les faits.

En revanche, la conception de la séparation des pouvoirs a conduit à une véritable séparation des autorités administratives et judiciaires. La loi des 16 et 24 août 1790 a interdit aux autorités judiciaires de s’immiscer dans les litiges d’ordre administratif et a institué un ordre judiciaire administratif, chargé de régler les litiges impliquant les pouvoirs publics, mais a simultanément fait du juge judiciaire le garant de la liberté individuelle. Cette division des pouvoirs est encore valable de nos jours. Le Conseil constitutionnel a fait référence en 1987 et en 1989 au concept de séparation des pouvoirs inscrit dans la tradition juridique française pour légitimer la distinction des juridictions administratives et judiciaires.

Encarta ® 2007.

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