Le communisme

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Le communisme est un idéal qui a toujours donné lieu à de nombreuses interprétations. Il est impossible d’en proposer une définition, même large, qui s’appliquerait à toutes les doctrines s’en réclamant. Ainsi, le communisme est-il l’abolition de toute forme de propriété, ou seulement de la propriété foncière? L’État peut-il être communiste, ou n’est-il qu’une étape vers le communisme, et l’on parlerait alors d’État socialiste?… La diversité des positions politiques et philosophiques, des pratiques et des théories qui se revendiquent du communisme est telle qu’aujourd’hui, même après l’échec de l’expérience soviétique, il reste de nombreux partis voire nations qui visent à atteindre cet idéal.
L’idéologie et l’action politique

Les plus anciennes traces connues du communisme, que l’on qualifie alors de «primitif», remontent sans doute aux peuples Amérindiens, dont les sociétés se caractérisent par une mise en commun des biens et l’absence de propriété, tant individuelle que collective. La première expression écrite d’une pensée collectiviste est attribuée à Platon: dans la République, où il expose la doctrine politique de Socrate, le gouvernement de la cité est cependant aristocratique, et non communiste au sens actuel courant du terme. Pour Platon, en effet, le «communisme» est un état de la société réservé aux seuls guerriers et magistrats, mais fondé sur l’esclavage comme mode de production. L’idée d’un état social harmonieux, reprise par l’anglais Thomas More dans sa célèbre Utopia (1516), fut revendiquée par les anabaptistes: partisans d’une réorganisation politique et sociale, ils professaient un communisme religieux tirant sa source de l’Évangile et de la Réforme de Luther, bien que ce dernier s’y soit farouchement opposé. Cet idéal communiste inspira, en Allemagne, Thomas Münzer, qui fut le principal animateur de la guerre des Paysans et en qui Engels verra l’un des premiers révolutionnaires.

H. Holbein le Jeune : portrait de Thomas More

Mais c’est avec la Révolution française que s’impose l’idée du communisme comme l’une des orientations possibles des sociétés modernes. Son promoteur principal fut Gracchus Babeuf, qui perça ce qu’il appelle «les mystères de l’usurpation de la caste noble» à travers son métier de commissaire à terrier, lequel consistait à établir les droits seigneuriaux pesant sur les terres. Babeuf milita pour une société où, au-delà de l’égalité juridique des citoyens, la redistribution équitable des biens conduirait au «bonheur commun» et à l’abolition de la distinction entre riches et pauvres. Babeuf créa une organisation secrète et tenta, en1796, de s’emparer du pouvoir par la conjuration des Égaux. Cette conspiration est la première tentative d’abattre la société bourgeoise issue de la Révolution.

Tout au long de la première moitié du XIXesiècle, des théoriciens tels que le Britannique Owen (le Livre du nouveau monde moral,1834-1845), les Français Saint-Simon (Exposition de la doctrine de Saint-Simon,1829-1830), Fourier (le Nouveau Monde industriel et sociétaire,1834) ou Proudhon (Théorie de la propriété,1865) ont imaginé des sociétés idéales, souvent proches du modèle communiste. Étienne Cabet, dans son Voyage en Icarie (1842), décrit une société où tous les biens sont mis en commun, toute la vie est organisée collectivement et tous les risques de conflits internes sont anéantis. Tout à fait différent du communisme pacifique de Cabet, l’activisme révolutionnaire de Blanqui aura une influence profonde sur le mouvement prolétarien et les théories communistes.
La progression du mouvement

Karl Marx et Friedrich Engels

À partir de1844, l’idée du communisme est reprise par le philosophe allemand Karl Marx et son ami Friedrich Engels. En1848, ils publient le Manifeste du parti communiste, texte fondateur de leur doctrine, et en1864 ils participent à la création, à Londres, de l’Association internationale des travailleurs (AIT), appelée aussiIre Internationale, destinée à regrouper tous les révolutionnaires européens. Cependant, le communisme, qui inclut l’anarchisme ou communisme anti-autoritaire, n’est alors qu’un courant, aux côtés des tendances socialiste, syndicaliste ou coopératrice, du vaste mouvement ouvrier qui émerge en Europe.

La première vérification pratique de leurs théories que les membres de l’AIT pensent trouver est, en 1871, la Commune de Paris. Malgré son échec, le mouvement communiste en sort renforcé. Ses théoriciens vont notamment tâcher de décrire les conditions réelles de passage au communisme. La lutte sur ce point est vive au sein de l’AIT entre Marx et Bakounine, qui en est exclu en 1872. Au sein de laIIe Internationale, créée au congrès de Paris en1889, ceux que l’on appelle dorénavant les marxistes sont majoritaires. Ils considèrent que la phase bourgeoise et capitaliste n’est qu’une étape dans l’évolution des sociétés et que les contradictions inhérentes au système capitaliste – notamment celles qui existent entre les concurrents économiques, la bourgeoisie et le prolétariat, les grandes puissances impérialistes – le mèneront à sa ruine et à l’avènement du socialisme, qui lui-même connaîtra son aboutissement dans le communisme. Au début du XXesiècle, ces thèses triomphent au sein de la social-démocratie allemande, constituée en un parti fortement structuré et renforcé par de puissants syndicats

À la différence des sociaux-démocrates allemands, Lénine n’admet pas que le système capitaliste puisse être réformé, et il se pose en stratège de la prise du pouvoir. En1902, il publie Que faire ?, où il affirme que le parti social-démocrate doit se transformer en une organisation de révolutionnaires professionnels: ce véritable état-major de la classe ouvrière est appelé à diriger la lutte des classes en Russie et en Europe. À partir de1914, convaincu que la guerre crée une conjoncture favorable à la révolution, Lénine appelle les peuples européens à transformer la guerre «interimpérialiste» en une «guerre civile».

Lénine : “Qu’est-ce que le pouvoir soviétique ?”
L’émergence du parti-État

La situation désastreuse créée par la Première Guerre mondiale atteint son paroxysme en Russie en1917 et provoque, au début de mars, des émeutes. Après la chute du tsar, les bolcheviks consacrent tous leurs efforts à critiquer le gouvernement provisoire en place et à tenter de déclencher une révolution radicale, aggravant par là le chaos que le gouvernement de Kerenski est incapable de maîtriser. Profitant de cette situation, le 25octobre1917, les bolcheviks déclenchent une insurrection à Petrograd. La révolution d’Octobre réalise ainsi la prise du pouvoir par les communistes dans l’une des principales puissances européennes.
Le régime soviétique

Si, après la révolution d’Octobre, le pouvoir est assumé par le Congrès des soviets et le Conseil des commissaires du peuple, la guerre civile et les luttes politiques pour l’hégémonie amènent Lénine à privilégier la stabilité du régime et à renoncer à nombre de traits du communisme tel qu’il l’avait exposé dans l’État et la révolution. En effet, d’une part l’État va considérablement se renforcer – et non dépérir comme Lénine le pensait –, d’autre part la distinction entre État soviétique et parti communiste va finir par s’effacer.

Lénine parlant à des ouvriers
Un système idéologique

La légitimité du régime repose sur son caractère «révolutionnaire et prolétarien», et l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), constituée le 30décembre1922, instaure la «dictature du prolétariat». Le gouvernement «socialiste soviétique» se donne pour objectif d’éliminer les anciennes classes dominantes – l’aristocratie et la bourgeoisie – et de donner le pouvoir à la classe ouvrière; pourtant, dès 1918, les conseils ouvriers ou soviets perdent leurs pouvoirs. L’insurrection de Kronstadt, du 1er au 17mars 1921, au moment même où se tient le congrès du parti, est la dernière tentative de restaurer le pouvoir des conseils, qui avait été l’une des revendications centrales des révolutionnaires d’Octobre; elle est violemment écrasée par l’Armée rouge. Ainsi, le gouvernement entend mettre en place le régime le plus démocratique qui soit, alors que la lutte politique est consacrée essentiellement à l’élimination des oppositions et que le communisme apparaît dès lors comme la seule doctrine autorisée.
Le parti unique

À l’été1918, les bolcheviks décident de fondre en un seul et même appareil l’organisation de l’État et celle du parti unique. Le premier parti-État de l’histoire détient le monopole de la décision dans tous les domaines: les sphères traditionnelles de l’État – la police, l’armée, la justice, les finances, la diplomatie – et les organisations sociales – les syndicats, les Églises, les associations culturelles ou sportives – sont préservées en apparence, mais en réalité elles sont doublées par la hiérarchie du parti, qui est seule habilitée à prendre des décisions. Très vite, on ne pourra faire carrière dans ces divers secteurs qu’à condition d’être membre du parti. Adoptée le 10juillet1918, la Constitution soviétique stipule que «le parti dirige, commande et domine tout l’appareil d’État». En décembre1919 de la même année, laVIIIe conférence du parti appelle à créer des fractions communistes dans toute la société: «La fraction doit faire du parti la seule instance compétente quant aux problèmes abordés par n’importe quelle organisation.» Ce principe, qui sera réaffirmé en1936 par la Constitution soviétique, met en évidence le caractère antidémocratique et autoritaire du nouveau régime, instauré par le premier parti totalitaire moderne, qui se substitue tant à l’État qu’à la société. L’un des premiers actes des bolcheviks au pouvoir fut de dissoudre par la force, le 19janvier1918, l’Assemblée constituante, élue en décembre1917 et où ils étaient minoritaires. Au sein même du parti, toute opposition est bannie dès 1921. Ainsi, au Xe congrès du parti communiste, en mars, Lénine déclare: «Nous n’avons pas besoin d’opposition, camarades: ce n’est pas le moment.»
La terreur comme appareil d’État

De plus, le régime est répressif et exerce la terreur par l’intermédiaire de l’appareil policier. Dès le 19décembre1917, les bolcheviks ont créé la Tcheka, une police secrète chargée de la répression de toute manifestation d’hostilité à l’égard du régime. En septembre1918, au lendemain de l’attentat contre Lénine (30août), est instaurée officiellement la terreur de masse à l’égard des «contre-révolutionnaires», qui seront internés dans des camps. Pour la seule période de la guerre civile (1918-1920), d’autant plus troublée que le pays était en partie envahi par des armées étrangères, on estime à environ 2,5millions les victimes de la première vague de terreur.
Une vocation universelle

Enfin, le nouveau régime a une vocation universelle: conformément à l’idéologie léniniste, il aspire à étendre l’expérience soviétique au monde entier. Le 2mars1919, à Moscou, les bolcheviks créent l’Internationale communiste (IC), encore appelée Komintern ouIIIe Internationale, répondant ainsi au principe fondamental de l’internationalisme prolétarien. À la place de la notion «bourgeoise» de patrie, qui, selon eux, a mené à la guerre de1914-1918, les communistes privilégient la solidarité de classe des ouvriers, en adoptant le slogan «Prolétaires de tous les pays, unissez-vous!», que Marx avait lancé dès1848. L’Internationale communiste est considérée d’emblée comme un parti communiste mondial: les partis qui la composent ne représentent que des sections nationales; dès1920, elle impose à tout groupe qui veut y adhérer vingt et une conditions qui doivent en garantir la nature révolutionnaire. Chaque parti communiste doit suivre la ligne politique élaborée par Moscou; le Komintern est dominé par les Soviétiques, qui disposent des vastes moyens que leur procure le pouvoir d’État (hommes, argent, armes, faux papiers…) et qui bénéficient du prestige d’être le premier pays communiste.

Désormais, l’URSS va disposer dans le monde entier du vaste réseau des partis communistes, et l’Internationale communiste sera, dès sa création, un foyer de propagande, voire de subversion, où se préparent émeutes, insurrections, tentatives de coup d’État (en Allemagne, entre1921 et1923; en Estonie, en1924; en Bulgarie, en1925; en Chine, en1924-1927…).
Le stalinisme au pouvoir

Joseph Staline

À la suite de son accession à la direction du parti, en1924, Staline réduit le communisme à une version simpliste de la doctrine marxiste-léniniste. Sa vision du monde, exposée dans les Principes du léninisme, se résume à une série d’oppositions irréductibles entre révolution et contre-révolution, communisme et fascisme, bourgeoisie et prolétariat, socialisme et capitalisme.

En politique intérieure, une véritable lutte est déclenchée, en1929, contre la grande masse de la population: le gouvernement impose la collectivisation à la paysannerie, et accentue son contrôle sur les ouvriers par la mise au pas des syndicats, tout en exigeant la réalisation, voire le dépassement, des objectifs fixés de façon bureaucratique dans le plan quinquennal. En politique extérieure, l’URSS favorise dans un premier temps la tactique du classe contre classe avant de préconiser les Fronts populaires, en Espagne et en France notamment. Lors du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, l’URSS s’empare de la moitié de la Pologne en1939, prend possession des États baltes et de la Bessarabie en1940, puis participe aux côtés des Alliés à la guerre. Elle en supportera la plus forte part du poids humain, ce qui renforcera le prestige international du communisme.

La police secrète – l’ancienne Tcheka, devenue Guépéou, puis NKVD et enfin KGB – est le principal instrument d’intimidation de la politique stalinienne. À partir de1935-1936 et jusqu’en1938 se déclenche l’épuration massive du parti, de l’administration, de l’armée et, parallèlement, du mouvement communiste international. Certains estiment que le système concentrationnaire du Goulag a fait environ 40millions de morts entre1927 et1953. La terreur de masse, le matraquage idéologique et le culte de la personnalité voué à Staline ne brisent cependant pas l’attirance que le communisme exerce sur les progressistes et les intellectuels du monde entier. Même après la dénonciation des crimes de Staline lors du XXe Congrès du PCUS en 1956, le communisme reste, pour les pays occidentaux et notamment les États-Unis, l’idéologie à combattre en priorité.
Les démocraties populaires

À la Libération, les communistes participent au gouvernement en France, en Belgique, en Italie. Dès1945, les partis communistes yougoslave et albanais, qui avaient été les acteurs principaux dans leurs pays de la lutte antinazie, s’emparent du pouvoir. À partir de1948, les communistes qui participaient à des gouvernements de coalition en font autant en Tchécoslovaquie, Pologne, Hongrie, Roumanie, Bulgarie et dans la partie est de l’Allemagne, qui deviendra la République démocratique allemande (RDA).

Les élections organisées en1946 et1947 dans ces pays avaient montré que les communistes étaient minoritaires. Ils utilisèrent la contrainte pour arriver à leurs fins: noyautage de l’armée, de la police, intimidation des adversaires politiques et, surtout, recours à l’appui des troupes d’occupation soviétiques. Dans les «démocraties populaires», les gouvernements communistes ne tardent pas à adopter les méthodes appliquées en URSS, et répriment les soulèvements: à Berlin-Est en1953, à Budapest en1956, à Prague en1968, en Pologne en1981. Des régimes de terreur se mettront en place en Roumanie (avec Ceausescu), en Bulgarie (avec Jivkov), en Albanie (avec Enver Hoxha).
L’implantation du modèle dans le tiers-monde

Dans les pays colonisés et semi-colonisés du tiers-monde, pour la plupart largement ruraux et où la classe ouvrière était très limitée en nombre et en influence, c’est la dimension anti-impéraliste du communisme qui séduit nombre de dirigeants, telle qu’elle est développée par Lénine dans l’Impérialisme, stade suprême du capitalisme (1916). Selon Lénine, le capitalisme du début du XXesiècle a suscité l’apparition de monopoles, bien décidés à se partager les sphères d’influence économiques; ce processus serait complémentaire du partage des sphères d’influence politiques entre les cinq grands impérialismes: britannique, français, allemand, américain et japonais. Mais l’essor du communisme dans le tiers-monde resta limité tant que les communistes refusèrent de s’allier aux secteurs nationalistes. Ce fut le cas aussi en Chine, où les communistes développèrent une doctrine particulière, le maoïsme.

Mao Zedong au Congrès du PCC
Un communisme fondé sur le nationalisme

En Europe, le communisme a connu une grande part de son succès initial en usant du thème de l’internationalisme et de la condamnation du patriotisme responsable de la guerre de1914-1918. En revanche, dans le tiers-monde, il est parvenu à asseoir son influence en rejoignant les revendications des mouvements nationalistes et en épousant la cause de la libération de l’oppression coloniale. Dès les années1920, l’URSS et l’Internationale communiste ont joué un rôle considérable dans le mouvement nationaliste chinois et indochinois. En1927 fut créée la Ligue contre l’impérialisme et l’oppression coloniale, qui influença d’importants dirigeants anticolonialistes (Nehru pour l’Inde, Gumede pour le mouvement noir en Afrique du Sud, Hatta pour l’Indonésie, Sandino pour le Nicaragua). Cependant, à partir de1929-1930, le mouvement communiste reporta toute son énergie sur l’Europe, et il fallut attendre1949 et la prise du pouvoir par Mao Zedong en Chine pour le voir porter à nouveau son attention sur le tiers-monde.

À la suite des succès de Hô Chi Minh contre les Français en Indochine, en1953-1954, les dirigeants soviétiques prirent conscience de la désagrégation des anciens empires coloniaux et de la capacité mobilisatrice des mouvements de libération nationale face à un camp impérialiste dominé par les Américains. Au Moyen-Orient, la première offensive diplomatique soviétique, accompagnée d’une campagne de propagande, date du milieu des années1950. En Amérique latine, le communisme est largement identifié à la réforme agraire, qui est une revendication populaire immémoriale. Si, en 1954, le régime socialiste d’Arbenz est défait au Guatemala à la suite d’une intervention orchestrée par la CIA, il n’en est pas de même en 1959 à Cuba, où Castro s’empare du pouvoir. Il engage son pays dans l’orbite soviétique quelques mois plus tard, et développe par la suite un «socialisme à la cubaine» marqué par un soutien à nombre de guérillas du tiers-monde. C’est ce soutien qui permet, en partie, aux sandinistes de s’emparer du pouvoir au Nicaragua en 1979, mais ces derniers ne se réclament pas du communisme. En 1979 également, à Grenade, le New Jewel Movement de Maurice Bishop prend le pouvoir. À la suite de l’effondrement de l’empire portugais, sous l’impulsion du secrétaire général du PCUS, Leonid Brejnev, une grande offensive communiste sera déclenchée en Afrique (en Angola, au Mozambique puis en Éthiopie et au Congo), et des alliances privilégiées se créeront avec la Libye et l’African National Congress (ANC) en Afrique du Sud. En1975, l’offensive finale des communistes indochinois conduira à la réunification du Viêt-nam sous un gouvernement communiste; au Laos et au Cambodge seront également installés des régimes communistes plus ou moins orthodoxes. Enfin, en1979, les communistes locaux, aidés par l’Armée rouge, s’empareront du pouvoir en Afghanistan.
Un modèle pragmatique

La lutte anti-impérialiste a rencontré les aspirations d’une fraction des élites du tiers-monde, pour lesquelles le communisme a longtemps représenté un modèle d’organisation et un exemple d’efficacité. Ces élites intellectuelles étaient moins attirées par la doctrine que par les méthodes de prise du pouvoir élaborées par les communistes (techniques de la lutte clandestine, de la guerre révolutionnaire, de la propagande, de l’organisation politico-militaire). Grâce à la propagande soviétique, le modèle communiste de développement économique et social (planification, industrialisation, mobilisation des énergies productives) suscitait également un grand intérêt dans ces milieux. Ainsi, dans tous les pays du tiers-monde où des groupes d’obédience communiste ont pris le pouvoir, des méthodes plus ou moins semblables ont été appliquées. Le bilan est très contrasté; il dépend souvent des conjonctures locales (guerre du Viêt-nam, blocus contre Cuba), parfois aussi de la personnalité des dirigeants (terreur meurtrière en Roumanie ou au Cambodge).
L’effondrement du système

Au début des années1980, le système communiste, qui dispose dans le monde entier d’un immense réseau de partis, de sympathisants, d’organisations alliées, est à son apogée: une quinzaine de pays du tiers-monde s’en réclament. Or, à partir de1985, ce système entre en désagrégation. Face à des résistances parfois armées et à la pression grandissante des Occidentaux, les Soviétiques sont contraints de reculer, comme en Afghanistan. Les États-Unis interviennent militairement à Grenade, où Maurice Bishop est assassiné. Au Nicaragua, soumis à une pression économique et financière intraitable ainsi qu’à la guérilla des Contras, les sandinistes sont battus aux élections de 1990. Mais c’est en Europe que l’évolution est la plus spectaculaire: économiquement affaibli, le gouvernement soviétique, dirigé par Mikhaïl Gorbatchev depuis1985, ne peut faire face au défi technologique que lui lancent les États-Unis (la «guerre des étoiles») et va céder à la poussée contestataire des sociétés de l’Europe de l’Est.
La chute du mur de Berlin

L’événement décisif qui déclenche la désintégration des régimes communistes est l’ouverture puis la chute du mur de Berlin, le 9novembre1989. Les régimes hongrois, polonais et tchécoslovaque vont rapidement sombrer à la faveur d’élections libres. L’élimination du dictateur roumain Ceausescu, la mise à l’écart du premier secrétaire du parti communiste bulgare Jivkov, suivis, en Albanie, de l’abolition du dernier régime bâti sur le modèle stalinien, marquent la fin des démocraties populaires en Europe de l’Est, où les nouveaux gouvernements, au milieu de difficultés économiques préoccupantes et, parfois, de graves conflits ethniques, s’orientent péniblement vers la démocratie parlementaire et l’économie de marché.
La chute du mur de Berlin

Parallèlement, les partis communistes des pays démocratiques sont entrés en crise: déjà marginaux en Amérique du Nord, en Asie et en Australie, ils subissent en Europe de graves revers électoraux. Quelle que soit la tactique adoptée – autocritique relative, compromis historique (en Italie), eurocommunisme… –, ils reculent au début des années 1990. Perestroïka et glasnost

En1991, c’est le cœur même du système qui est atteint en URSS. Le premier pays communiste, qui a non seulement ignoré mais aussi combattu la démocratie parlementaire et l’économie de marché pendant soixante-dix ans, est traversé par une crise gigantesque dans tous les secteurs (économique, politique et culturel). Dès1986, Mikhaïl Gorbatchev avait tenté d’instaurer des réformes: sur le plan intérieur, il avait lancé la perestroïka (la réorganisation économique et administrative) et la glasnost (la transparence politique et culturelle), mais il se heurtait à la fois aux forces centrifuges – nationalistes et religieuses – des républiques périphériques de l’Union soviétique (Estonie, Lituanie, Lettonie, Azerbaïdjan, Arménie, républiques d’Asie centrale) et aux forces conservatrices (la nomenklatura communiste, l’armée), désireuses de préserver les structures anciennes. Au sommet de l’État, une lutte implacable se déclencha alors pour le pouvoir, créant une grande instabilité politique: en août1991, l’échec d’un putsch conservateur conduit à l’éviction des communistes de la direction du pays, à l’interdiction du parti et à la disparition de l’URSS.

Le communisme reste cependant au pouvoir à Cuba, en Corée du Nord, au Viêt-nam et en Chine. À Cuba, l’effondrement du camp soviétique joint au blocus maintenu par les États-Unis a accentué les difficultés économiques, au point qu’une «période spéciale» a été décrétée au milieu des années 1990, marquée par des restrictions draconiennes. En Corée du Nord, à la mort du dirigeant historique Kim Il-sung en 1994, la passation du pouvoir à son fils Kim Jong-il indique une conception autocratique du communisme, dans un pays qui reste fermé aux influences occidentales. Le Viêt-nam a choisi de s’ouvrir en partie à l’économie de marché et s’est réconcilié avec les États-Unis. Quant à la Chine, après la répression des manifestations du Printemps de Pékin en 1989, la mort de Deng Xiaoping en 1997 marque la disparition des derniers dirigeants historiques du communisme chinois, ceux qui participèrent à la prise du pouvoir avec Mao Zedong.

Fidel Castro et Mikhaïl Gorbatchev

Mao Zedong

En Europe, les communistes ont comblé une partie de leurs pertes électorales, et sont même parfois revenus au pouvoir, comme en Pologne et en Italie – où le parti ne s’intitule cependant plus «communiste». À l’aube du XXIe siècle, la question reste de savoir si le communisme peut se ramener au seul stalinisme, ou si celui-ci en a été une perversion. Des ouvrages paraissent sur ce thème, et la persistance des communistes au pouvoir en Chine, dans le pays le plus peuplé du monde, montre que le communisme, qu’on a voulu enterrer avec l’URSS, n’a sans doute pas disparu de la scène politique mondiale.

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