Origine des croisades

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L’origine

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Dès les premiers siècles du christianisme, les Lieux saints occupèrent une place importante dans la spiritualité de l’Occident. Le voyage à Jérusalem et le culte des reliques constituaient des pratiques de piété. Ils avaient une valeur expiatrice des péchés et libératrice des maladies. Au XIe siècle, ces pèlerinages en Terre sainte furent stimulés par l’ouverture d’un itinéraire continental à travers la vallée du Danube (1010 apr. J C) et par le renouveau du commerce méditerranéen; d’individuels, ils devinrent collectifs. Ce climat de vénération pour la Terre sainte «occupée» par les musulmans favorisa les projets de puissance de l’Église. Celle-ci, après avoir sanctifié la guerre contre l’infidèle, stimulé et soutenu la Reconquête chrétienne de l’Espagne sur les Maures, qui s’accélère après la chute du califat de Cordoue (1031), décida de porter l’offensive en Orient.

La prédication

La proclamation de la croisade était une initiative pontificale: c’est une bulle papale ou un canon conciliaire qui en annonçait le «passage», en fixait la date, en définissait les objectifs, en expliquait les raisons et octroyait des privilèges temporels et spirituels aux croisés. Après Urbain II, rares furent les papes qui prêchèrent directement la croisade; aussitôt lancés, leurs appels étaient relayés par des prédications confiées à des légats et à des clercs.

Lors de la première et de la deuxième croisade, des moines, des ermites et parfois des illuminés prirent l’initiative de prêcher. Les thèmes développés dans les sermons de ces prédicateurs populaires demeurent peu connus; il semble toutefois que l’ardeur de certains à «exalter la croix» et à rappeler la Passion du Christ raviva l’accusation de déicide à l’encontre des juifs. En Allemagne, les prédications du moine Rodolphe provoquèrent des pogroms contre les communautés juives.

Afin d’éviter de tels excès, la papauté veilla à contrôler la prédication; ainsi, de la deuxième à la quatrième croisade, les légats confièrent cette tâche principalement aux cisterciens et, au XIIIe siècle, aux ordres mendiants. La prédication officielle consistait à préparer spirituellement les fidèles; c’est ainsi que saint Bernard présenta la croisade comme une voie de salut, un remède proposé par Dieu à ses créatures. Ces thèmes bernardiens furent repris par le prédicateur de la troisième croisade, le légat Henri d’Albano. À partir du pontificat d’Innocent III, la prédication de la croisade s’accompagna de la vente des indulgences et perdit progressivement de sa spiritualité.

“La guerre juste”

Rome, après avoir été pillée en 846 par les musulmans – une partie de l’Occident était alors aux prises avec les Slaves et les Scandinaves –, entreprit d’élaborer une théologie de l’action armée. Reprenant, en la déformant, la notion augustinienne de «guerre juste», les premiers papes qui appelèrent à combattre les infidèles et à «défendre la foi» furent Léon IV en 853 et Jean VIII en 878.

Poursuivi par leurs successeurs, l’effort de légitimation de la guerre s’accompagna à partir de la fin du Xe siècle d’une véritable entreprise de christianisation des mœurs de la chevalerie occidentale. Commencé sous l’égide de Cluny, et mobilisant bientôt l’ensemble de l’Église, ce mouvement appelait les chrétiens à suspendre toute violence entre eux et à retourner leurs armes contre les infidèles. Au XIe siècle, alors même que le danger musulman s’estompait, l’Église poursuivit sa double action auprès de la classe militaire. Assortis d’indulgences plénières (remise totale des peines de purgatoire pour les combattants), les appels à la «guerre juste» trouvèrent de plus en plus d’écho auprès d’une chevalerie dûment endoctrinée. Dès 1063, à l’initiative de l’Église, Italiens, Provençaux, Languedociens, Bourguignons et Aquitains marchèrent en Espagne contre la place forte de Barbastro et s’en emparèrent. Assurée du concours des hommes de guerre, la papauté n’eut aucune peine à faire admettre la légitimité d’interventions contre les ennemis de la religion.

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