Méthodes guerrières

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Moins de six mois après le retour du premier voyage de Gama, au début de l’an 1500, une armada de treize navires et de 1 200 hommes se forme à Lisbonne. La flotte, placée sous le commandement d’un noble de trente deux ans, Pedro Álvares Cabral, part le 8 mars; elle s’enfonce dabord loin vers le sud ouest (poussée par le grand courant marin équatorial ou délibérément conduite vers une terre déjà découverte que Lisbonne ne veut pas laisser aux Espagnols?), et aborde en avril les côtes du Brésil, dont Cabral prend possession au nom du Portugal et qu’il baptise «terre de la Vraie Croix». Puis elle repart rapidement vers l’est, double le cap de Bonne Espérance, où les tempêtes lui font perdre quatre navires, et parvient à Calicut. Les navigateurs portugais impressionnent le souverain par des offrandes avant d’entamer, et de gagner dans le sang, une guerre commerciale contre les marchands musulmans. Cabral finit par bombarder Calicut, sous prétexte que le roi s’est rangé du côté des musulmans; puis il continue sa route et entame un commerce pacifique avec deux autres grands ports de la côte de Malabar, Cochin et Cananore. Il rentre à Lisbonne en juin 1501 avec seulement sept navires et la moitié de ses hommes, mais riche d’une cargaison d’épices, de porcelaine, d’encens et de pierres précieuses qui rembourse largement l’investissement de départ.

L’hégémonie portugaise

Pendant les années qui suivent l’expédition de Cabral, la pratique conjuguée du commerce et de la guerre aux Indes procure d’immenses bénéfices et permet un remarquable développement de l’économie: les Portugais créent une Bourse à Anvers, aux Pays Bas, où ils vendent des épices à toute l’Europe. Le roi Manuel Ier le Grand nomme Francisco de Almeida premier vice roi des Indes pour superviser l’expansion du commerce dans l’océan Indien. Almeida, qui part en 1505 à la tête d’une flotte de vingt deux navires, met à sac Mombasa (sur la côte de l’actuel Kenya) et s’empare de deux autres ports de l’Afrique de l’Est, Sofala et Kilwa, avant de remporter, en 1509, une victoire décisive dans le port de Diu (au nord de Calicut) sur une flotte égyptienne envoyée par le sultan du Caire et financée par les Vénitiens pour protéger les commerçants musulmans de l’Inde.

Grâce à des bases sûres dans l’océan Indien et à leurs grandes qualités de marins, les Portugais sont désormais capables d’atteindre leur but ultime: les îles productrices d’épices. En 1509, une première flotte accoste à Malacca, près de l’actuelle Singapour. Quelques années plus tard, les possessions portugaises s’accroissent des conquêtes d’Afonso de Albuquerque, second vice roi des Indes: Ormuz, au seuil du golfe Persique, les îles de Ceylan et de Ternate, centre de la culture du clou de girofle, les ports de Diu et de Goa en Inde, et de Macao en Chine. À sa mort, en 1515, Albuquerque – dit «le Mars portugais» – a assis la domination de Lisbonne sur les mers de l’Asie du Sud, provoquant la faillite du commerce musulman à l’est d’Aden et celle des marchands vénitiens. Il n’a pas eu besoin d’exécuter son projet: détourner le Nil dans la mer Rouge; l’équilibre du commerce mondial s’est déplacé vers l’ouest. Le premier grand empire colonial moderne est né.

L’heure espagnole

L’obsession de la route maritime des Indes par le contournement de l’Afrique a fait manquer aux Portugais la découverte du Nouveau Monde. Ils ne peuvent investir à la fois vers l’est et vers l’ouest. Or si la Castille, occupée par le siège de Grenade qui s’éternise, s’est laissé devancer, le royaume de Boabdil tombe en janvier 1492. L’Espagne se trouve libre pour un investissement aventureux, le financement de l’équipée de Christophe Colomb, laquelle ne suscite pas, au demeurant, de vrais espoirs. Mais elle prend une tournure de croisade qui emporte les convictions.

Christophe Colomb

Les grandes découvertes

La Santa Maria de Christophe Colomb L’histoire de Christophe Colomb (en italien, Cristoforo Colombo; en espagnol, Cristóbal Colón) est difficile à dégager de la légende. Il n’y a de lui aucun portrait authentique connu. On sait seulement qu’il était grand, avait la peau mate, les yeux bleu clair et les cheveux roux. Il est né à Gênes en 1451. Fils de tisserand, il exerce dabord ce métier; puis il commence à naviguer, en 1474, participant comme marchand à de nombreuses expéditions en Méditerranée et dans l’Atlantique, le long des côtes occidentales de l’Afrique. L’idée de rechercher la route des Indes par l’ouest lui est inspirée, semble-t-il, par une correspondance entre le savant astronome florentin Toscanelli et un chanoine portugais. Quoi qu’il en soit, Colomb est un homme curieux de cartographie, désireux de faire le bilan de ce que l’on sait du monde. Il accumule les témoignages de marins qui, au hasard de leurs navigations dans l’Atlantique, ont rencontré des îles inconnues. Installé à Lisbonne depuis 1477, il se marie en 1480 avec la fille d’un gentilhomme portugais, lui-même marin réputé. Par la famille de sa femme, il recueille, dit-on, d’autres témoignages sur ces terres émergées.

L’obstination du visionnaire

Colomb est un esprit exalté, un homme de caractère, tenace et obstiné, qui prépare soigneusement son expédition. Dès 1483, il soumet son projet au roi du Portugal, demande trois caravelles, la noblesse et l’amirauté, la vice royauté des terres à découvrir, et une part de 10 % sur tout le commerce qui se ferait avec ces terres. Ses exigences paraissent exorbitantes, et il est éconduit.

L’accueil de l’Espagne

Les grandes découvertes

Il passe alors en Espagne, d’abord dans le petit port de Palos puis à Séville, où il retrouve tout un milieu d’affaires génois et florentin. Il est par ce biais introduit auprès du duc castillan de Medina, qui l’aide à monter son expédition; il obtient une première audience des Rois Catholiques, Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille, à la cour de Cordoue, en janvier 1486. On lui accorde une pension, mais on refuse de financer son expédition. Ses propositions, soumises à l’université de Salamanque, sont jugées trop vagues. Un moment, Colomb songe à s’adresser au jeune roi de France, Charles VIII. C’est alors qu’un prieur le met en relation avec les frères Pinzón, des marins qui projettent également de naviguer vers l’ouest. Entre temps, le siège de Grenade se prolongeant, le sultan d’Égypte menace de raser Jérusalem si la ville des derniers rois maures d’Espagne tombe: un nouvel esprit de croisade se développe. Christophe Colomb, bon chrétien, et peut être opportuniste, se range sous la bannière de la foi: son projet consiste, dit-il désormais, à évangéliser les Indes, à rejoindre le mythique royaume du Prêtre Jean, et à opposer à l’islam un front catholique d’Orient. La reine Isabelle cède finalement, en 1492, à toutes les exigences de Colomb.

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