A l'ombre des sabres Hela Ouardi ...(3)

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Abû Bakr s’inquiète en particulier de la mort de tant de Compagnons qui connaissaient par cœur le Coran et redoute la perte définitive de la Révélation. ‘Umar suggère alors que l’on réunisse tout ce qui a été écrit des versets sur des supports divers – omoplates de chameau, feuilles de palmier, etc. – ainsi que tout ce que les autres Compagnons ont mémorisé par cœur afin de collecter la Révélation coranique dans un mushaf (un recueil). Au départ, sa proposition se heurte à la réticence d’Abû Bakr : « Comment innover en cette matière, quand le Prophète ne l’a pas fait ? », se récrie-t-il. Mais ‘Umar finit par le convaincre. C’est alors qu’il convoque Zayd ibn Thâbit et lui ordonne de composer ce premier mushaf 42 .

Zayd se montre effrayé par le poids de la tâche qu’on vient de lui assigner : « Je préférerais que tu me demandes de déplacer une montagne ! Ce serait plus facile pour moi ! », lance-t-il au calife. Mais devant l’insistance d’Abû Bakr et de ‘Umar, Zayd s’exécute et commence ce travail de collecte du Coran « entre deux planches ». De nombreux rédacteurs de la Tradition43 sont formels : le Coran aurait été donc réuni non pas, comme on le répète à l’envi, à l’initiative de ‘Uthmân, le troisième calife, mais dès le règne du premier calife. Or cette compilation ne nous est pas parvenue. On nous dit juste qu’elle a échu, après la mort d’Abû Bakr, à Hafsa, fille de ‘Umar et épouse du Prophète, et on en perd ensuite à jamais la trace. Qu’est-il advenu de ce premier Coran ?

Pourquoi n’a-t-il pas été conservé ? Et si Abû Bakr a déjà rassemblé les versets du Coran, pourquoi ses successeurs ont-ils ressenti le besoin de procéder à de nouvelles collectes ?

À Yamâma, Khâlid, malgré la victoire, demeure préoccupé : la mort de Musaylima a-t-elle définitivement neutralisé les Banû Hanîfa ? Il fait part de ses doutes à Mujjâ‘a, qu’il retient toujours en otage car c’est un informateur précieux : « Je crois que ce n’est pas terminé, lui suggère le rusé Mujjâ‘a. Regarde la forteresse des Banû Hanîfa ; je suis sûr qu’elle est encore remplie d’hommes armés qui te guettent du haut des remparts et qui vont continuer la lutte avec ardeur. Sincèrement, auras-tu la force de les affronter, toi qui as perdu tant d’hommes ? Je ne pense pas. Tes soldats sont épuisés. Toi aussi, tu es épuisé. Je le vois bien ! Je te conseille de faire la paix avec ma tribu. » Perplexe, Khâlid regarde en direction des remparts de la forteresse : « Dois-je courir le risque ? », se demande-t-il. Il sait qu’il n’a plus les moyens de l’assiéger, encore moins de l’attaquer. Son armée est sortie affaiblie de la bataille de Yamâma ; il y a eu trop de morts et les survivants sont exténués et abattus. Lui-même est las de combattre.

Il a besoin d’une trêve. Il propose alors à Mujjâ‘a de se faire le négociateur d’un armistice aux conditions suivantes : « Pour avoir la vie sauve, les habitants doivent me donner la moitié de leurs biens. Ils doivent également m’accorder à titre personnel un verger et une maison. » Il libère Mujjâ‘a de ses chaînes et l’envoie transmettre ses conditions aux Banû Hanîfa. En pénétrant dans la forteresse, Mujjâ‘a s’aperçoit qu’il ne s’y trouve quasiment plus aucun soldat, juste une poignée d’hommes, des femmes, des enfants et des vieillards. Lui vient alors une idée : il demande aux femmes de revêtir des tenues de soldat, de porter l’armure et de se couvrir le visage avec la visière des casques ; puis il les fait monter sur les murailles. De loin, Khâlid aperçoit ces silhouettes dont les armures et les sabres luisent aux rayons du soleil.

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