Extrait Lakhdar Bentobbal - Mémoires de l'intérieur

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Avec Si Mellah Ali et Mokrane, un de nos compagnons de la petite Kabylie, nous sommes allés nous cacher chez Si Djilali, un boulanger d’Hussein Dey. Si Hana est allé lui, à l’hôtel Saint-Martin de la rue du Chêne (Rue Ladjali Mustapha). Il y a trouvé un moudjahid du nom de Saad en compagnie de qui il a passé la nuit.

Il était en très mauvais état et, le lendemain, la nouvelle de la brusque aggravation de sa blessure nous était parvenue. Avec Krim et Abane, nous avons été lui rendre visite à l’hôtel. Nous avons constaté que la balle lui avait fait sauter la vessie et s’était chée à l’intérieur de la cuisse droite provoquant une hémorragie interne.

Il était resté ainsi pendant près de 48 heures sans que nous puissions faire quoi que ce soit pour le secourir. Nous avions à l’époque dans le revers de nos vestes des pilules de cyanure. Au début de la révolution, on nous les avait données pour nous en servir en cas d’arrestation. On nous avait dit qu’il valait mieux s’en servir que de donner toute l’organisation de la révolution sous l’eet de la torture. Si Hanafi me suppliait de lui donner le poison an de mettre n à sa sourance.

Je ne voulais rien entendre parce que nous espérions toujours le sauver. En désespoir de cause je me suis rendu chez un médecin qui m’avait déjà soigné en 1949 quand, au cours d’un accrochage au bois des arcades, je fus blessé par la police française. C’était le docteur Belabed, originaire d’El Kantara, dont le cabinet était situé à Kouba. Après lui avoir exposé la situation il me donna des suppositoires qui n’eurent aucun eet sur notre compagnon.

Après quelques jours, ce fut le docteur Omar Benhabylès qui se chargea de lui. Krim et Abane étaient sortis avec Hammoud Benyahia pour reprendre contact avec l’organisation militaire. Je partis de mon côté voir Mustapha Fettal et Bouchafa pour leur donner des instructions sur les opérations à mener. À notre retour au refuge de Si Hacène Laskri, la mère de ce dernier nous avait annoncé la mort de Hana. Après que le docteur Belabed lui ait extrait la balle, il eut un dernier sursaut et rendit l’âme. Le problème de son enterrement restait entier.

Comment faire ? Il était impossible de le déplacer jusqu’en Kabylie pour l’enterrer auprès des siens sans nous faire prendre en chemin. Il était tout aussi impossible de le faire à Alger. Nous avons alors informé Souidani Boudjemaa et Ahmed Bouchait : nous leur avons demandé de préparer une tombe du côté de Chebli 184 . Le matin de bonne heure, alors que le peuple d’Alger sommeillait après une longue veillée de Ramadhan, nous l’avons porté Krim, Abane et moimême, couvert d’un linceul, jusqu’à la camionnette d’Ahmed Laghouati qui stationnait aux abords de Sidi Abderrahmane.

Il fut ainsi amené jusqu’au lieu de sépulture où il fut enterré au milieu de la nuit. Les honneurs lui furent rendus par une compagnie de djounoud de l’ALN. C’est dans ce contexte que nous prîmes Krim, Abane, Ben M’hidi et moi le chemin du congrès de la Soummam

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