BEN M’HIDI, LARBI, DIT SI MOHAMMED, EL HAKIM (1923-1957)

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Larbi Ben M’hidi est une personnalité marquante de la révolution algérienne, dénommé à la fois El Hakim (le sage) et le Carburateur. L’itinéraire de ce grand « patriote sans haine et idéaliste sans dogme » (Trodi et Carlier, 2008), féru de littérature* et de théâtre_, épris de cinéma_, admirateur de Zapata et de la révolution irlandaise, est interrompu en pleine « bataille » d’Alger dont il est l’artisan. Ben M’hidi est né à El Kouahi aux portes d’Ain M’lila dans une famille paysanne dont la vie est rythmée par les travaux agricoles et l’activité de la zaouïa, abritant le sanctuaire de son aïeul. Mais les aléas de la conjoncture économique contraignent la famille à se déplacer d’abord au Khroub puis à Biskra, ce qui explique la scolarisation de Ben M’hidi au Khroub, puis à Batna et enfin au cours complémentaire à Biskra. Dès le débarquement anglo-saxon, la vie politique reprend son cours dans cette ville aux portes du Sahara.

Ben M’hidi s’y intéresse et se rapproche du PPA_. En 1944, il assure le secrétariat de la section des AML_. Le 8 mai 1945, il est arrêté pour sa participation à l’important défilé organisé par les AML, à Biskra où le drapeau* de l’Algérie est déployé. Libéré peu de temps après, la section du PPA est officiellement reconstituée, doublée d’une section de réserve où Ben M’hidi est intégré avec son camarade Hachemi Trodi. Il dirige aussi la section scoute* de Biskra.

Il est versé dans l’Organisation spéciale* (OS) clandestine dès sa création en 1947, il opère dans la région de Biskra et une partie de l’Aurès ; il échappe à une arrestation lors de la découverte de l’organisation en 1950. Condamné par contumace à une peine de dix ans, il est éloigné du Constantinois par le parti et continue de militer dans diverses daïras à Médéa, Oran, Mostaganem, Sidi-Bel-Abbès, Aïn Témouchent dans l’Oranie. La reconduction de l’OS en 1953 permet le regroupement des anciens militants au sein du Crua, lassés par les divisions qui menacent leur parti, le PPA-MTLD. À la fin de juin 1954, ils sont « 22* » à décider du passage à la lutte armée. Ben M’hidi est membre fondateur du FLN_-ALN_ et a la responsabilité de la Zone 5 (Oranie).

Il a trois adjoints, Abdelhafid Boussouf_, Ramdane Benabdelmalek_ et Hadj Ben Alla_, qui préparent les actions du 1 er novembre 1954_. Il consacre une partie de son temps à assurer les filières nécessaires à l’acheminement des armes en compagnie de Mohamed Boudiaf_, à partir du Maroc_, de l’Espagne et du Caire. Par ailleurs, il encourage le développement de l’arme des transmissions. En mai 1956, il rencontre Abane* Ramdane à Alger. Entre les deux hommes s’établit rapidement une identité de vue qu’ils mettront en œuvre lors de la tenue du congrès de la Soummam*.

Selon Benyoucef Ben Khedda* (2000), « sans Ben M’hidi, le congrès de la Soummam n’aurait pas réussi, et Abane n’aurait pu faire triompher ses thèses ». De fait, il joue un rôle déterminant dans le succès des travaux du congrès de la Soummam en défendant l’union nationale de toutes les forces patriotes, seule garantie de libérer l’Algérie. Désigné comme membre du CCE_, l’instance dirigeante du FLN, Ben M’hidi s’installe dans la Zone autonome d’Alger_ (ZAA), avec Abane Ramdane, Krim* Belkacem, Benyoucef Ben Khedda et Saâd Dahlab_. Ben M’hidi a la responsabilité de la branche militaire de la ZAA et contrôle les commandos_ de fidaiyine dont font partie les « réseaux bombes ». Tous ses efforts visent à donner un élan nouveau à la révolution en organisant la grève des huit jours* à partir du 28 janvier 1957, avec le soutien des syndicalistes de l’UGTA*.

La mobilisation des masses urbaines, au moment où la question algérienne est débattue à l’ONU_, devait provoquer la débâcle de la France. Les excès de la violente répression déclenchée par les forces de l’ordre lors de la « bataille d’Alger_ » – qui commence le 7 janvier 1957 avec la remise des pouvoirs de police* au général Massu* – ont eu raison du démantèlement des réseaux de la résistance. Son arrestation par les parachutistes* du lieutenant Jacques Allaire, autour du 23 février 1957 (la date varie selon les sources), entraîne le départ des quatre autres membres du CCE à l’extérieur. Le 6 mars, les autorités françaises annoncent son « suicide », démenti quarante-quatre ans après par le commandant « O » Paul Aussaresses*, appelé par Massu pour coordonner les renseignements à Alger. Il reconnaît sa responsabilité dans l’exécution de Ben M’hidi par pendaison dans la nuit du 3 au 4 mars 1957 et parallèlement la responsabilité du pouvoir politique.

Romantique, Ben M’hidi rêvait de l’imminence d’un Điên Biên Phù qui ferait plier la puissance coloniale. Si la grève des huit jours a eu des conséquences dramatiques pour la population urbaine, elle a dévoilé la véritable logique de guerre avec son cortège d’exactions – dont les aveux d’Aussaresses donnent une preuve supplémentaire. Elle a aussi conforté l’idée de l’indépendance en Algérie et à l’échelle internationale.

Ouanassa SIARI TENGOUR

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