Le problème du fondamentalisme et de la modernité

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Du fondamentalisme

Quelle piètre altération de l’esprit vivifiant d’une tradition religieuse que de la voir enkystée dans le radicalisme !

Le traditionalisme, le conservatisme et autre conformisme ankylosent la saine dynamique des religions, rétractent leur pensée et affectent l’élévation spirituelle ! Et, une religion ne peut s’inscrire dans un mouvement évolutif que lorsqu’elle laisse place à la liberté des interrogations philosophiques et théologiques.

Bien entendu, nous remarquons, à cet égard, que le dogmatisme est asphyxiant et que tous ses corollaires et incongruités sont construits, déjà d’un point de vue sémantique, sur une racine stipendiée par le suffixe « isme ». Or, les grammairiens soutiennent que, le plus souvent, ce suffixe aliène le sens du mot et « étouffe » son radical pour, paradoxalement, plus de radicalité accentuée dans sa signification.

Dans cet ordre d’idées, nous constatons, à titre d’exemple, que l’écologisme a fourvoyé l’écologie et que le marxisme a trahi l’œuvre de Marx. Le rigorisme n’est pas la rigueur ; l’autoritarisme affecté est contreproductif, il gâte l’autorité… Alors que dire de l’islamisme qui a indigné l’islam comme religion sous-tendant toute une civilisation multiséculaire.

La doctrine

La doctrine islamiste a pris en otage son vocabulaire et putréfié ses valeurs en les idéologisant. Aussi en est-il de l’intégrisme, du salafisme. Ils en sont une très bonne illustration. Pourtant, en ratiocinant un peu, nous pourrions avancer que revenir à l’intégralité du message premier en témoignant de son intégrité, tout en s’y conformant, eût pu être une bonne chose. Qui voudrait aller à l’encontre de la vertu d’être fidèle à l’enseignement des préceptes moraux que recèle à profusion la Tradition ? Qui oserait ignorer les initiations dispensées par les pieux Anciens, dans leur jaillissement initial ? Ceux-là mêmes qui constituent le salaf, la première génération, sont toujours considérés comme des modèles identificatoires .

Tout particulièrement en contexte islamique, ces coryphées sont restés vivants dans la conscience musulmane. C’est pour cela qu’on commandera obstinément de revenir à leur temps. Leur comportement et leur mode de vie étaient sur la bonne voie.

La stagnation

Ils sont conformes à ce qui est voulu par la guidance divine. Dans ce cas, on pourra dire que c’est le fait même de revenir à ce temps des origines, à ce moment inaugural, qui est perçu comme une action salutaire en suivant une voie salvifique. Peu importe qu’il y ait ou non progrès. C’est le retour à la vie des premiers témoins du temps de « l’innocence », le temps de la candeur et de la pureté, qui prime avant que tout ne connaisse corruption et dégénérescence. Inévitablement, cette posture intellectuelle finira par être accablante et désespérante. Elle signe le début de la stagnation.

Elle incarne l’exorde même de la rhétorique d’arriération et de sous-développement. Il en est de même pour le fondamentalisme. Il désigne, dans sa définition la plus neutre et la plus courue, l’attachement strict aux principes originels d’une doctrine religieuse.

Rappelons que son étymologie latine renvoie, dans l’idée qu’on s’en fait notamment chez les francophones, clairement aux fondements inébranlables et aux assises consolidées. Elle évoque la notion d’asseoir une fondation et d’armer un soubassement. Il est vrai que le fundamentum latin vient du verbe fundare qui signifie, outre fonder, établir solidement et affermir sur de bonnes bases, justement, un système de doctrines. Aussi, le fondamentalisme énonce-t-il pour une religion quelconque la tendance qu’ont certains de ses adeptes à revenir à ce qu’ils considèrent comme fondamental, originel, primordial et intangible dans les références scripturaires premières.

Petit manuel pour un Islam à la mesure des hommes

p.p 37-38

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