Les Algériens pensent-ils que la victoire du FLN fut d’abord militaire ?

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Pour une grande majorité d’historiens, qu’ils soient algériens ou français, la victoire du Front de libération nationale (FLN) fut avant tout politique et diplomatique. Bien sûr, la lutte armée, et les terribles sacrifices qu’elle a exigés de la population civile, a constitué un levier efficace pour amener la France à négocier et à accepter le principe d’autodétermination du peuple algérien.

Comme l’a bien expliqué le penseur Frantz Fanon (1925-1961), partisan de l’indépendance algérienne, sans recours aux armes, la France n’aurait jamais négocié la moindre parcelle d’émancipation pour les 9 millions de musulmans qui avaient rang de sous-citoyen. Mais, à partir de 1959, au terme d’impressionnantes opérations militaires où l’usage du napalm par l’aviation française fut fréquent, les maquis de l’Armée de libération nationale (ALN), le bras armé du FLN, se sont retrouvés dans une position très délicate, isolés, parfois même totalement éradiqués.

Or, dans le même temps, l’incessant activisme politique international du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) a pesé sur les négociations avec les dirigeants français.

Fort de nombreux soutiens, y compris dans le monde occidental, le mouvement indépendantiste algérien n’a eu de cesse d’internationaliser sa cause et d’isoler la France y compris au sein de l’ONU. En Algérie, les différents pouvoirs qui se sont succédé depuis l’indépendance ont toujours entretenu l’ambiguïté sur la manière dont elle fut obtenue.

D’abord, en désignant « le peuple » comme premier héros, ces pouvoirs évitaient d’avoir à nommer des dirigeants, militaires ou civils, de manière précise, ces derniers pouvant en tirer un avantage politique certain. Ensuite, l’idée, très répandue au sein de la population que l’ALN avait triomphé de l’armée française a servi et sert encore à asseoir le prestige, l’autorité et l’influence de l’Armée nationale et populaire (ANP) et de ses chefs. Qu’importe que les maquis de l’intérieur aient été grandement décimés – et souvent abandonnés à leur sort par la direction du FLN installée à l’extérieur du pays.

Qu’importe aussi que l’armée des frontières, riche en effectifs et armements, n’ait quasiment jamais fait le coup de feu contre les soldats français (elle a, au contraire, tiré sur des maquisards de l’intérieur au moment des affrontements fratricides de l’été 1962…).

Tout cela ne sert guère à replacer la lutte armée du FLN dans son contexte réel. Par ailleurs, dans un contexte de régime à parti unique (1963-1988) puis de majorité présidentielle toujours issue de ce régime (1989 à ce jour), l’idée que l’action politique et diplomatique ait contribué à conduire à l’indépendance n’était pas du goût des dirigeants algériens.

Cela aurait donné du crédit à l’action politique, au militantisme, choses que le pouvoir cherche à limiter, voire à empêcher, surtout quand cela concerne l’opposition. Ainsi, l’écriture officielle de la guerre d’Algérie dépend, aujourd’hui encore, des conditions imposées par le régime et la victoire militaire contre la France fait partie des idées reçues qu’il est encore difficile de remettre en cause en Algérie

Akram Belkaid

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