Pourquoi disait-on d’Alger qu’elle était « La Mecque » des révolutionnaires ?

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À peine indépendante, l’Algérie proclame sa solidarité effective avec tous les mouvements en lutte contre le colonialisme et l’impérialisme. Elle accueille ainsi des militants sud-africains, dont Nelson Mandela qui bénéficie d’un entraînement militaire auprès d’anciens cadres de l’Armée de libération nationale (ALN). Ahmed Ben Bella veut que son pays détrône l’Égypte de Nasser comme phare musulman et arabe du panafricanisme et de l’anti-impérialisme.

En 1963, c’est Ernesto Che Guevara qui se rend à Alger (il y reviendra pour un second séjour en 1965). En déposant le président Ben Bella en juin 1965, le colonel Houari Boumédiène ne remet pas en cause cet engagement. Bien au contraire, il en fait un élément de diplomatie extérieure et de rayonnement international. L’Algérie ouvre ses bras aux révolutionnaires du monde entier et c’est dans l’aéroport de sa capitale que se règlent nombre de détournements d’avions à caractère politique. C’est ce qui aurait fait dire au révolutionnaire guinéen Amilcar Cabral : « Les chrétiens vont au Vatican, les musulmans à La Mecque et les révolutionnaires à Alger. » D’autres personnalités qualifièrent Alger de « Mecque des révolutionnaires du monde entier ».

À la fin des années 1970, on trouve de tout dans les villas accueillant les « frères combattants ». Des militants sud-africains de l’African National Congress (ANC), des Black Panthers venus des États-Unis, des Palestiniens de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), des membres de l’IRA irlandaise et même des opposants communistes au régime du chah iranien ou encore des militants indépendantistes québécois. Au milieu des années 1970, ce sont des ressortissants chiliens fuyant le régime du général Augusto Pinochet qui s’installent à Alger. Tout ce beau monde est surveillé de près et les services de sécurité algériens veillent à ce que les ardeurs révolutionnaires et progressistes ne déteignent pas sur la population locale. Chose étonnante, cette hospitalité révolutionnaire ne met pas l’Algérie au ban des nations. Exception faite de l’Afrique du Sud et d’Israël, Alger a des relations avec l’Ouest et n’hésite pas à commercer avec les adversaires du bloc communiste. L’aviation civile algérienne mais aussi l’armée sont, par exemple, des clients réguliers des ÉtatsUnis et de la France.

L’inclinaison révolutionnaire d’Alger va peu à peu décliner avec l’évolution des rapports internationaux et l’affaiblissement puis la chute de l’URSS. Si dans les années 1980, il reste encore quelques « frères » à aider, notamment des Palestiniens et des Irlandais, la guerre civile des années 1990 met un terme à cette solidarité dont il ne reste aujourd’hui qu’un parfum de nostalgie. Le discours officiel n’a plus rien de révolutionnaire. Certes, le pays continue de défendre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et à rejeter toute ingérence extérieure dans les affaires d’un pays, mais l’heure est surtout au réalisme. L’Algérie n’a plus de projet socialiste à exporter et seule demeure la solidarité de fait avec les Palestiniens et les Sahraouis du Front populaire de libération de la Saguia-el-Hamra et du Río de Oro, plus connu sous le nom de Front Polisario. Créé en 1973, ce mouvement qui s’oppose au Maroc et revendique l’indépendance du Sahara occidental est activement soutenu par Alger

Akram Belkaid

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