Quelles sont les racines du nationalisme algérien ?

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Au début du XX e siècle, la France est solidement installée en Algérie. Certes, des révoltes sporadiques éclatent ici et là mais le pays est « tenu », la colonisation se poursuit, une population d’origine européenne s’installe dans les campagnes mais aussi dans les villes et compte même déjà deux voire trois générations.

C’est à cette époque que des courants intellectuels algériens, inspirés par la nahda (renaissance) égyptienne et libanaise, apparaissent. Sans revendiquer ouvertement l’indépendance, ils plaident pour plus de droits en faveur de la population musulmane dont 173 000 hommes ont participé, de gré ou de force, à la Première Guerre mondiale. L’émir Khaled, descendant de l’émir Abdelkader, ainsi que de nombreux oulémas (jurisconsultes) incarnent ce mouvement. Khaled remporte d’ailleurs les élections municipales à Alger en novembre 1919, mais le scrutin est annulé par l’administration coloniale.

Il faut attendre 1926 et la naissance à Paris de l’Étoile nord-africaine (ENA), pour que s’affirme un courant nationaliste radical revendiquant clairement l’indépendance de l’Algérie et du reste du Maghreb. Plusieurs fois dissous, ce parti renaît en 1933 avec à sa tête Messali Hadj (1898-1974), figure emblématique du nationalisme algérien. Alors que la France fête en grande pompe le centenaire de sa présence en Algérie (1930), un mouvement nationaliste et populaire prend donc peu à peu de l’importance.

Il concurrence directement des courants plus modérés comme celui des oulémas réformistes d’Abdelhamid Ben Badis ou celui des Amis du manifeste du peuple algérien incarné par Ferhat Abbas. Le nationalisme algérien s’incarne au sein de l’ENA, formation à laquelle succède le Parti du peuple algérien (PPA), qui deviendra ensuite le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD).

Le parti parle ouvertement d’indépendance, brandit un drapeau algérien – conçu et fabriqué pour la première fois par la militante anarchosyndicaliste Émilie Busquant, l’épouse de Messali Hadj – et réclame le départ de la France. Confronté à la répression policière, il s’oppose au projet Blum-Viollette de 1936 qui vise à donner la pleine citoyenneté à 21 000 musulmans.

C’est dans ce creuset que naît le mouvement qui déclenchera le soulèvement armé de novembre 1954. Face à la rigidité des autorités françaises qui ne font aucune concession et qui, de plus, truquent systématiquement toutes les élections pour empêcher les partis algériens de l’emporter, le nationalisme s’impose très vite, aux yeux des Algériens, comme le seul moyen d’obtenir des droits pour la population musulmane et de lutter contre l’injustice coloniale. Avant même la guerre d’Algérie, cette radicalité démontre sa force d’attraction au détriment d’une approche plus modérée.

L’approche graduelle, négociée, patiente – un peu à l’image de ce que prônait le dirigeant tunisien Habib Bourguiba – ayant été maintes fois disqualifiée par les événements et les blocages de la société coloniale, le recours à l’action directe et le refus de transiger apparaissent comme les uniques moyens de résoudre des crises. Et cela continue de façonner l’imaginaire politique algérien. De fait, une grande aura entoure encore le radicalisme et le refus des concessions. C’est ce qu’avaient compris les dirigeants de l’ex-Front islamique du salut (FIS) à la fin des années 1980.

Akram Belkaid

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