Chiisme vs sunnisme

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Dans le sunnisme, l’imam est une personnalité qui est appelée, durant la prière communautaire du vendredi, à lire des passages du Coran et à les commenter. C’est en quelque sorte le prêtre, ou plutôt le pasteur protestant puisqu’il n’y a pas de clergé hiérarchisé et que chacun est habilité à jouer ce rôle, comme chez les protestants : c’est l’équivalent de la lecture commentée de l’Evangile. En revanche, dans le chiisme, l’imam est le véritable guide de la communauté.

Les chiites considèrent en outre les imams comme dépositaires de la
science divine et gardiens de la charia. Ils ont réellement un rôle de guidance pour les fidèles qui leur doivent amour et obéissance. Leurs théologiens fondent leur dogme sur le Coran, qui évoque clairement la dignité d’Ali à l’imamat, et douze hadiths qui achèvent de prouver sa désignation comme imam.

A la fois chef politique et guide spirituel, l’imam cumule l’ensemble des pouvoirs. Il est le seul habilité à statuer sur le licite et l’illicite, à diriger la prière du vendredi, à déclarer le jihad, à émettre des jugements, etc.

Après l’occultation, les chiites se trouvent donc privés de leur maître à penser ; les oulémas 2 tentent dès lors de sortir de l’impasse en réélaborant la doctrine. Ils s’arrogent peu à peu une partie des pouvoirs des imams. Ils élaborent des concepts légitimant l’obéissance des croyants au mujtahid (savant reconnu) ; ce dernier est d’ailleurs érigé en représentant de l’imam caché, ce qui lui donne le droit de percevoir l’impôt, de trancher des conflits, pouvoirs originellement réservés aux imams. Cette tendance renforce le pouvoir des oulémas chiites qui, à partir du XIX e siècle, s’impliquent davantage dans les affaires politiques.

Ces débats autour de la direction spirituelle chiite s’intensifient dans le premier tiers du XX e siècle avec la révolution constitutionnaliste en Iran (voir chapitre 9) et la formation de l’Etat irakien moderne. L’ayatollah Khomeyni poursuit ces thèses doctrinales dans un but plus politique encore ; il reprend le concept de velayat-e faqih 3 (guidance du juriste) et le conjugue à celui de hukûma islamiyya (gouvernement islamique), selon lequel Dieu seul détient la souveraineté. La mission du juriste est désormais de guider la communauté et de conduire une politique en accord avec les principes de l’islam.

Dans le sunnisme, il n’y a pas d’intermédiaire entre le croyant et Dieu. Ce qui fait qu’il n’y a pas de clergé. Le mufti (religieux interprète de la loi islamique) est nommé par le pouvoir politique, puisque en principe le pouvoir politique, c’est-à-dire le calife, est le Commandeur des croyants. Le juge (cadi) également. Autrement dit, ce sont des fonctions qui peuvent changer au gré du pouvoir politique. Dans le chiisme, il y a un clergé qui est aussi hiérarchisé que le clergé catholique. Et il est nommé de manière démocratique. Dans le monde non perse, celui qui décide d’étudier la religion devient cheikh et garde ce titre jusqu’à la fin de sa vie..

Dans le chiisme persan en particulier, celui qui consacre sa vie à l’étude de la religion intègre une école de théologie qui lui permet à la fin de ses six années d’études de pratiquer l’effort d’interprétation (le fameux ijtihad) – et pour cela il assimile la jurisprudence, le droit musulman, la théologie, etc. –

Antoine Sfeir

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