Extrait "Albert Einstein : La Vie Et L'Oeuvre"

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La scène se passe vers 1950. Je raccompagne Einstein chez lui, au sortir de l’institut for Advanced Study, quand il s‘arrête soudain, se tourne vers moi et me demande si je ne crois à l‘existence de la Luneque quand je la vois. Notre conversation n‘est cependant pas métaphysique.

Nous parlons en fait de la théorie des quanta, en particulier de ce que l’on peut faire et connaître au niveau de l‘observation physique. Le physicien du XXe siècle ne prétend, bien entendu, pas répondre de façon définitive à cette question.

Il sait toutefois que la réponse fournie par ses prédécesseurs du XIXe siècle ne convient plus. S’ils avaient presque raison pour ce qui concerne les conditions de la vie quotidienne, leur réponse ne saurait être extrapolée à des objets se déplaçant presque aussi vite que la lumière, à des objets aussi petits que les atomes ou - à certains égards - à des objets aussi lourds que les étoiles.

Nous savons mieux aujourd’hui que ce qu’un homme peut accomplir dans les circonstances les plus favorables dépend d’une définition minutieuse de ces circonstances C‘est là, dans les très grandes lignes, la leçon de la théorie de la relativité, découverte par Einstein, et de la mécanique quantique, à laquelle il finit par se rallier car elle entreprenait (selon ses propres termes) la théorie la plus féconde de notre temps.

Même si elle n’avait, croyait-il, qu’un caractère provisoire. Nous avons poursuivi notre marche et continué à parler de la Lune, ainsi que du sens du verbe exister lorsqu‘il se rapporte à des objets inanimés. Arrivés au 112 Mercer Street. Je lui ai souhaité un bon appétit, puis je suis retourné à l’Institut.

Comme à maintes reprises dans le passé, j‘avais apprécié de marcher en sa compagnie et je me sentais mieux après notre conversation. Bien qu‘elle ait été peu convaincante. Mais j’y étais habitué et, en revenant sur mes pas. je me demandai une nouvelle fois pourquoi cet homme, qui avait contribué de manière si incomparable à la création de la physique moderne, demeurait si attaché à la causalité telle qu’on la concevait au XIXe siècle.

Abraham Pais.

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