Les facultés de l’âme
Nous essaierons d’examiner ici comment ont été conçues et décrites les facultés de l’âme. Nous nous appuyons pour ce faire sur deux sources : Fakhr-eddïne et Râzï, philosophe ash’arite et El Jurjânï, auteur d’un lexique des termes techniques du soufisme utilisé par Ibn Arab! dans ses Futuhdt El Mekkiyyah. Ces deux sources ne sont certainement pas les seules ; nous retrouvons les mêmes descriptions chez des soufïs orientaux comme Suhrawardi ou des Hukamâ’ comme Dâwüd El Antaki.
Ces auteurs nous donnent de l’âme végétale et animale une description physiologique, mais il faut plutôt dire psycho-physiologique car, comme nous l’avons vu, les mécanismes physiologiques traduisent directement une typologie psychologique correspondante : — L’âme végétale a une faculté métabolique (Quwwa Ghadâ’iyah) qui se distingue par une puissance d’attraction et de rétention.
Elle a aussi une faculté de répulsion (Dâfi’ah), de dissolution (Mutahallilah), de croissance (Nâmiyiah) et de reproduction (Mutawallidah). — L’âme animale se distingue de l’âme végétale par l’apparition d’une volonté propre. Elle est motrice et perceptive. C’est le pneuma vital (Rüh Hayawâniya), entité subtile et vaporeuse qui est en même temps le véhicule de l’âme parlante (El Nafs El Nâtiqah). Ce pneuma vital a une faculté motrice et une faculté de perception.
Cette dernière contient elle-même dix facultés qui sont les cinq sens internes et les cinq sens externes. Les sens externes sont : le toucher, le goût, l’odorat, l’ouïe, la vue. Les facultés de perception interne sont :
2) L’estimative ou imagination subjective (El Wahm) : le lieu de l’imaginaire et de la spéculation subjective, de toutes les supputations gratuites. Elle se distingue comme nous le verrons de l’imagination active Takhayyul), concept qu’Ibn Arabï développe amplement dans ses écrits.
3) L’imagination représentative (Khayâl), qui est la réserve du sensorium où sont conservées les images après qu’elles ont disparu des sens externes.
La mémoire (El Hâfizah), faculté de rappel.
La faculté régulatrice et cogitative (El Mutasarrifah El Mufakkirah).
Nous devons ici distinguer le rôle de cette faculté chez les animaux, qui leur permettrait de saisir les significations partielles (El Juz’iyât) et, chez les hommes, qui leur permet de saisir les significations « totales » (ou synthétiques, El Kulliyat).
Chez ces derniers, elle se distingue comme le lieu de la ratio et des opérateurs logiques permettant certaines réalisations comme la séparation (analyse), la composition (synthèse) et l’invention. C’est cette faculté cogitative, capable d’une synthèse, qui distingue l’homme en tant que tel. Elle est donc une expression de l’âme parlante (El Nafs El Nâtiqah) qui en elle-même est capable d’assumer des « formes » diverses en fonction de son degré de connaissance.
Faouzi Skali