Le 1er novembre 1954, éclatait la Révolution algérienne. Cette action, dont l’importance n’apparut, sur le moment, qu’à une infime minorité d’observateurs, était l’aboutissement d’un double processus : à l’échelle historique, du mouvement de résistance à la conquête française qui avait commencé dès les débuts de l’occupation ; sur un plan plus immédiat, des initiatives d’un groupe de militants nationalistes en rupture avec les appareils des organisations traditionnelles.

Ce groupe, dont nous verrons plus loin l’origine, prit la décision de l’action armée au cours de la réunion dite « des 22 », tenue le dimanche 25 juillet 1954 chez Elias Deriche, au Clos Salembier (Alger), sous la présidence de Mostefa Ben Boulaïd. La liste complète des 22 participants de cette réunion historique n’ayant jamais été publiée, je crois nécessaire de la donner ici :

Mostefa Ben Boulaïd, Mohamed Boudiaf, Larbi Ben M’hidi, Mourad Didouche, Rabah Bitat, Zoubir Bouadjadj, Othman Belouizdad, Mohamed Merzougui, Ahmed Bouchaïb, Boudjemâa Souïdani, Abdelhafid Boussouf, Hadj Benala, Abdel malek Ramdane, Benaouda Ben Mostéfa, Lakhdar Ben Tobbai, Youcef Zirout, Moktar Badji, Mohamed Méchatti, Abdeslem Habachi, Rachid Mellah, Saïd Bouali, Abdelkader Lamoudi.

A l’ordre du jour de la réunion, figuraient trois points, exactement formulés ainsi :

1. Election de la direction
2. Unité à la base ou pour une « bonne »scission du Parti.
3. Action limitée ou illimitée

Après une discussion approfondie, les 22 décidèrent l’unité à la base et une action illimitée « destinée à se poursuivre jusqu’à la victoire. Et ils élirent une direction composée de cinq membres, auxquels devait se joindre ultérieurement un sixième . Ben Boulaïd, Ben M’hidi, Boudiaf, Didouche, Bitat, puis Kriin Belkacem, avec lequel Ben Boulaïd était déjà en contact, comme il l’était par ailleurs avec Ben Bella, rencontré en Suisse.

Dans les trois mois qui suivirent, ce « directoire » de six membres tint plusieurs réunions secrètes : notamment chez Zemmouri Larbi, à Birmandreis, chez Layachi Mohamed, traminot d’Hydra, et chez Boukchoura Mourad, artisan maroquinier
de Pointe Pescade.

ls décidèrent en particulier de se répartir la responsabilité des différentes « zones » d’opérations (le terme « wilaya » ne fut adopté que par la suite). Ben Boulaïd prit la zone 1 (Aurès), Didouche la zone 2 ( Nord-Constantinois), Krim la zone 3 (Kabylie), Bitat la zone 4 (Algérois), Ben M’hidi la zone 5 (Oranie), Boudiaf fut chargé de la coordination entre l’intérieur et l’extérieur.

Au cours des semaines qui précédèrent le 1 novembre, les réunions des Six se firent presque quotidiennes, un contact étroit étant maintenu, d’autre part, avec le responsable de l’extérieur, Ben Bella. Bitat, notamment, après Ben Boulaïd, alla le voir en Suisse, où il avait des papiers au nom de Méziani. Ben Bella, à son tour, tenait informés Khider et Aït Ahmed.

Finalement, les Six arrêtèrent au 1" novembre le déclen¬ chement de l’action armée et en fixèrent les objectifs. Boudiaf se rendit au Caire, où se tenait alors Ben Bella, pour l’en informer et lui communiquer à l’avance les premiers buts assignés aux
combattants.

Ils décidèrent en particulier de se répartir la responsabilité des différentes « zones » d’opérations (le terme « wilaya » ne fut adopté que par la suite). Ben Boulaïd prit la zone 1 (Aurès), Didouche la zone 2 ( Nord-Constantinois), Kriin la zone 3 (Kabylie), Bitat la zone 4 (Algérois), Ben M’hidi la zone 5 (Oranie), Boudiaf fut chargé de la coordination entre l’intérieur et l’extérieur.

Au cours des semaines qui précédèrent le 1 novembre, les réunions des Six se firent presque quotidiennes, un contact étroit étant maintenu, d’autre part, avec le responsable de l’extérieur, Ben Bella. Bitat, notamment, après Ben Boulaïd, alla le voir en Suisse, où il avait des papiers au nom de Méziani. Ben Bella, à son tour, tenait informés Khider et Aït Ahmed.

Finalement, les Six arrêtèrent au 1" novembre le déclenchement de l’action armée et en fixèrent les objectifs. Boudiaf se rendit au Caire, où se tenait alors Ben Bella, pour l’en informer et lui communiquer à l’avance les premiers buts assignés aux
combattants.

Cette action, pour être pleinement comprise, doit être replacée dans une histoire qui, pendant près de 125 ans, vit le peuple algérien lutter sous des formes diverses, mais de façon ininterrompue, contre la conquête et la colonisation françaises. Il y eut, rappelons-le, plusieurs mouvements armés, dont on ne citera que les principaux.

Sitôt après la reddition du Dey (Alger, 1830), l’émir

Abd el-kader organisa, durant dix-sep ans, la résistance armée à l’envahisseur*

Puis 1 occupation de la Grande-Kabylie — la première dans ! histoire du Maghreb — n’exigea pas moins de dix ans, de 1847 à 1857.

Pour s opposer, ensuite, au vol des terres au profit de la colonisation, une série de révoltes éclateront les unes après les autres :

Insurrection du bacbagha Mokrani, chef militaire du mouvement politico-religieux du cheikh Ahadad (1871).

Insurrection de Bou-Baghla, de Boumaza.

— Insurrection des Oulad Sidi-cheikh à Aïn Sefra, en 1880.

En 1916, l’insurrection des Aurès et de Mascara (Beni-

Choukrane) aura pour but de s’élever contre la circonscription des adolescents*

L’insurrection de Marguerite-Miliana, en 1920, sera à nouveau un mouvement dirigé contre les expropriations*

Enfin, la révolte de Sétif et Guelma, en 1945, se traduira par le massacre de 45 000 musulmans, selon le rapport officiel du général Tubert.

Mais ces épisodes sanglants ne sont que les flambées les plus spectaculaires d’un combat politique dont il faut marquer brièvement les principales étapes et les divers aspects, au moins depuis la Première Guerre mondiale :

1. 1919 — Mouvement de l’émir Khaled, petit-fils de l’émir Abd el-kader et ancien capitaine de l’armée française.

2. 1925 — Mouvement du Dr Bendjelloul et de la Fédé¬ ration des élus du département de Constantine. Il groupe des délégués financiers, des conseillers généraux et municipaux, des présidents de djemaâ, et revendique essentiellement la représentation des Algériens musulmans au Parlement français. La Fédération est présidée par Bendjelloul. Ferhat Abbas en est vice-président. L’exemple est suivi par les élus d’Alger, avec le Dr Bachir, et les élus de l’Oranie. Tous bénéficient d’un large soutien du peuple.

3. 1927 — Mouvement islafai. De retour du Hedjaz, le cheikh El Okbi inaugure un mouvement de réforme religieuse contre le maraboutisme et la superstition : d’abord dans sa ville natale, Sidi Okba, puis à Alger. 11 lance un journal, Islah. D’autres prédicateurs se lèvent aussi pour réclamer le retour à l’Islam authentique ; Ben Badis, dont le rayonnement et l’autorité morale seront considérables, Bachir Brahimi, M’barek El Miii.

Avec leurs partisans, ils s’unissent en 1932 dans l’Associa¬ tion des Ouléma qui gagne rapidement une grande audience d’abord dans toutes les couches de la population citadine. Son président sera Ben Badis, ses deux vice-présidents, El Okbi et Brahimi.

Son programme : liberté du culte musulman, officialisation de la langue arabe, instruction des enfants algériens dans les deux langues, liberté du pèlerinage à La Mecque. Un slogan résume toutes ses aspirations : « L’Islam est notre religion, l’Algérie est notre patrie, la langue arabe est notre langue. »

4. 1936 — Congrès musulman algérien. Réuni sur l’initiative du cheikh Ben Badis, désormais personnalité de tout premier plan, il rassemble toutes les tendances :

— les élus, en majorité partisans de l’assimilation ;

— les Ouléma, nationalistes ;

— les militants : P.P.A., syndicalistes, communistes,

S.F.I.O.

Le Congrès élit son comité exécutif. Il comprend, en dehors du P.P.A. qui, après avoir participé aux travaux du Congrès, a refusé de désigner ses candidats, les noms les plus connus du monde politique algérien.

Son président est le docteur Bendjelloul, son premier vice-président le cheikh Ben Badis, son secrétaire général Belhadj, professeur naturalisé français, membre de la S.F.I.O. On y trouve aussi Ferhat Abbas, cheikh Bachir Ibrahimi, cheikh El Okbi, Lamine Lamoudi, directeur du périodique La Défense, Benhoura, directeur de La Justice, Léchani, directeur de La voix des humbles, organe des instituteurs « d’origine indigène », Hadj Amara, adjoint du maire d’Alger, le Dr Bachir, de Blida, M" Kadi, avocat à Tlemcen, etc.

Au bureau du comité exécutif sont aussi élus le professeur Bencheneb, qui deviendra beaucoup plus tard le premier ambassadeur français d’origine arabe et Amar Ouzegane, secrétaire du Parti communiste algérien.

Une organisation des jeunesses du Congrès musulman est constituée. Elle est dirigée par Omar Aïchoune, militant exemplaire du mouvement national qui jouera, avec modestie, un rôle considérable pendant la Révolution.

Dans 1 intervalle, en 1924, avait été créée à Paris, sur l’initiative de l’émir Khaled et avec le soutien du Parti communiste français, 1 Etoile JNord-Africaine, dont Messali Hadj prendra la direction deux ans plus tard.

En 1934, après maints incidents, Messali rompt définitivement avec les communistes. Le 11 mars 1937, il fonde le Parti du peuple algérien (P.P.A.) qui sera dissous en 1939. Messali Hadj est président du P.P.A. et Moufdi Zakaria, l’auteur de 1 hymne national algérien, son vice-président.

6, Après le débarquement allié, Ferhat Abbas rédige en 1943 le Manifeste des élus algériens et recueille les signatures de nombreux élus anti-colonialistes, auxquels se joignent même quelques élus administratifs. Sur cette base, et avec l’appui du P.P.A. clandestin, il lance un mouvement de masse, les Amis du Manifeste et de la Liberté, qui édite un journal. Egalité,

En 1946, Ferhat Abbas rompt avec le P.P.A. et crée l’Union Démocratique du Manifeste Algérien (U.D.M.A.), qui enverra des députés à la première et à la seconde Assemblée Constituante française. U fonde et dirige l’hebdomadaire La République Algérienne *

La même année, 1946, le P.P.A. interdit lance une organisation de masse légale, le Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques (M.T.L.D.) dont le président sera Mezerna, et l’organe U Algérie libre. Cinq députés du M.T.L.D.,dont Khider, seront élus à la seconde Assemblée Constituante française,

7. En 1920, après le Congrès de Tours qui avait vu la naissance du Parti communiste français, une « région algérienne » du P.C.F. avait été créée, sur le mot d’ordre d’indépendance des colonies. C’est l’époque de la campagne contre la guerre du Maroc, en 1925-1926. Les premiers adhérents algé¬ riens sont des intellectuels. Un hebdomadaire est publié, La Lutte sociale.

En août 1935, une délégation conduite par Amar Ouzegane, participe, à Moscou, au VIIeme Congrès du Komintern. La région algérienne du P.C.F, est admise à constituer un parti indépendant. La création officielle du P.C.A. sera proclamée à l’occasion de son premier Congrès, à Alger, le 4 juillet 1936. Le P.C.A. demeure cependant sous la tutelle du Parti communiste français.

Dissous par le gouvernement Daladier à la fin de 1939, le P.C.A. se reconstituera clandestinement en 1940. Ses militants emprisonnés seront libérés en 1943, mais La Lutte sociale ne sera pas autorisée à reparaître. Elu premier secrétaire en 1946 (lors du dernier Congrès du Parti), Amar Ouzegane sera exclu fin 1948, après avoir été remplacé dès 1947 (au 3" Congrès) par Larbi Bouhalî.

8, Le mouvement syndical algérien, à partir de 1920, suivra un cours analogue à celui du Parti communiste. La C.G.T. unitaire (C.G.T.U.), séparée alors de la C.G.T., a pour mot d’ordre « classe contre classe » et réclame l’indépendance de l’Algérie. Les syndicats recherchent l’adhésion des travailleurs algériens mais, selon la loi coloniale, les directions des fédérations d’industrie, des unions locales ou des syndicats sont entre les mains des Européens.

1936 voit un intense mouvement de grèves qui entraîne des augmentations de salaires, des lois sociales, la reconnaissance de la liberté syndicale et de la liberté de réunion, enfin la suppression du code de l’indigénat dans ses aspects répressifs.

La C.G.T. sous tutelle française se transforme plus tard en Union générale des Syndicats algériens (U.G.S.A.), autonome, qui, en 1956, verra tous ses militants algériens rejoindre en masse l’U.G.T.A., la centrale ouvrière fondée par le F.L.N (...)

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