À peine immergé dans l’activité politique, Amirouche fut arrêté à deux reprises : une première fois pour avoir placardé des affiches de Messali, patriarche du Mouvement national, une autre pour avoir ramené de Tizi-Ouzou du sucre, produit soumis à rationnement pendant la Seconde Guerre mondiale. Déjà remarqué pour son activisme, il fut contrôlé à la gare de Relizane et conduit en prison à Mostaganem, d’où il fut libéré sur l’intervention de Sayah Bouali, sollicité cette fois encore par l’inévitable Dda Belaïd. Le caractère somme toute anodin du délit n’empêcha pas l’administration pénitentiaire de porter déjà sur sa fiche signalétique la mention « très dangereux ».
Les privations sociales et les agressions politiques sont deux contraintes qui, souvent conjuguées, ont amplifié un mécontentement latent qui a objectivement contribué à l’éveil de la conscience nationale algérienne. À la fin de l’année 1948, Amirouche quitte Bouguerrat pour Relizane, une autre bourgade coloniale située à une petite centaine de kilomètres plus à l’ouest. Il n’a que 22 ans mais a déjà derrière lui la vie politique et sociale d’un adulte accompli. Il y rencontre l’instituteur Laliam, originaire des Aït Yanni.
Le fils de ce dernier, ophtalmologue, frais émoulu de la faculté de Montpellier en 1956, sera une année plus tard son médecin-chef dans les maquis de la wilaya III. À la même période, il fait la connaissance d’un autre Kabyle, Amar Issiakhem, qui n’est autre que le père du célèbre peintre M’hamed Issiakhem. Installé à Relizane, le vieil émigré gérait un bain maure tout en s’occupant d’un centre culturel où il aidait par une formation parallèle les écoliers les plus nécessiteux, avec le soutien de quelques éléments proches de la mouvance des Oulamas, branche traditionnaliste qui hésita longtemps avant de s’aligner sur les positions indépendantistes. De son passage dans cette ville ressort une donnée qui sera une autre constante dans le parcours d’Amirouche : l’indifférence vis-à-vis des barrières sociales. L’étudiant en ophtalmologie Mustapha Laliam se souvient ainsi d’avoir vu ce jeune bijoutier parler avec son père, un instituteur, statut rare et envié à l’époque, avec une aisance et une autorité naturelles qui le marqueront toute sa vie. Amirouche considérait également que le travail de sensibilisation et d’organisation sur le terrain devait se faire quelles que soient les tensions entre les chapelles, le pragmatisme devant transcender toute forme de sectarisme partisan. Et Dieu sait qu’à l’époque l’intolérance était de mise entre les différentes tendances du Mouvement national.
Said Saadi
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