Ces années sont celles du dévoilement du malaise qui couvait depuis longtemps.La seconde guerre mondiale, la répression de mai 1945, la misère, la montée des nationalités ailleurs, l’action des partis nationalistes ailleurs pour une indépendance de plus en plus précisée entraînant des prises de conscience dans les milieux intellectuelles. Penseurs, lettrés, essayistes, romanciers s’interrogent et se posent, dans leur aliénation, le problème capital de l’identité : Qui suis-je ? Colonisés,ils se rendent compte qu’ils ne sont pas respectés dans leur dignité d’hommes.Ils vont dévoiler ce drame et le conflit de civilisation.Il ne s’agit plus maintenant de rester soi-même, mais de revendiquer explicitement un nom, une patrie,bref d’être reconnu, à part entière.
La littérature algérienne de langue française naît vraiment à cette date, presque comme une génération spontanée, en qualité. Le Fils du pauvre de Mouloud Feraoun parait à compte d’auteur en 1950. Les premiers auteurs écrivent d’abord dans les revues culturelles et littéraires lancées par les Français, comme nous l’avons vu durant ces années 50, puis vont s’en séparer peu à peu, tout en gardant de solides amitiés avec des écrivains français. La littérature algérienne va conquérir un public européen mais en faisant entendre un langage nouveau, donnant une image différente de celle qui avait été peinte des Algériens par les romanciers de l’époque coloniale et de l’École d’Alger."L’Éternel Jugurtha" s’affirmait dans sa dignité et son langage en déconcertait beaucoup. Les leaders nationalistes publient de petites brochures et des manifestes.
Un essayiste autocritique, Malek Bennabi, fait paraitre en 1954 un ouvrage qui rend un son nouveau, Vocation de l’islam, Mais le 1 er novembre 1954, l’heure n’était plus à la reforme de l’homme"post-almohadien" ( Bennabi ), elle était aux armes, En cette année 1954, Nadir Bouzar faisait paraître un volent pamphlet contre la France ; J’ai cru en la France.
Après 1950, d’un bout à l’autre du Maghreb apparaissent les romans de Feraoun, Dib, Mammeri, Memmi, Chraibi,Sefrioui...Mécontents de l’image donnée de leur société par les "autres", ils entendent parler en clair et en vérité d’eux-même et des leurs. Ils parlent de leur malaise et du malentendu mais dénoncent aussi les coutumes surannées, les sclérose internes, les conflits de générations. Ils remettent en question de vielles valeurs. Leurs romans sont souvent en grande partie autobiographiques, posant des questions sur la conjoncture, sur eux-même, leur familles, leurs sociétés : Pourquoi sommes-nous ainsi dominés ? A qui la faute ? Qu’avons-nous fait pour vivre ainsi ?
JEAN DEJEUX
JEAN DEJEUX
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