Le soufisme se présente avant tout comme une expé�rience spirituelle vécue, intérieure, dont le domaine se
trouve au-delà de ce qui peut être appréhendé par la
raison ou les sens physiques. Ce n’est que dans une
étape ultérieure faisant suite à une réalisation spiri�tuelle, que certains soufis, se servant d’un langage sym�bolique et métaphorique, transcrivent leur expérience
sous une forme verbale[...]
En ce qui concerne le soufisme, cette dichotomie
s’inverse. L’expérience spirituelle conduit à transcender
la raison, non à la nier. Son but est d’atteindre l’objecti�vité absolue, qui n’est autre que la Réalité véritable (El
Haqq). Par rapport à celle-ci, c’est le monde, tel que nous le percevons de manière ordinaire, qui se révèle
être contingent, relatif et évanescent. La connaissance
de cette Réalité passe, pour le disciple sur la Voie, par
la mort à lui-même, à sa propre subjectivité : « Mourez
avant de mourir », dit une parole du Prophète 1 qui,
soulignant l’aspect illusoire du monde, déclare aussi :
« Les hommes dorment, lorsqu’ils meurent ils se
réveillent. »[...]
Le soufisme est la Voie qui, en Islam, mène à cette
connaissance.
Le langage des soufis, qui se réfère à une expérience
spirituelle, est nécessairement symbolique et se prête
par là même à une compréhension à plusieurs niveaux.[...]
Les aspects ou attributs, bien qu’en mode illusoire
(nous avons vu en effet que la réalité première de toute
lettre est l’Alïf) « s’irradient » ou se projettent à partir
de la réalité ontologique première qui est l’Unicité de
l’Être. Avant cette irradiation, il n’y avait que celle qui
désignait le passage du point à l’Alïf : « L’irradiation
(Zuhur) du point à l’Alïf est ce qui est appelé primauté
(El Awlawiyyah), écrit le Shaykh, avant cette irradiation
il ne peut être question de primauté ni d’ultimité (El.
’Awkhrawiyyah), l’Alïf est le Premier et le Dernier,
l’Intérieur et l’Extérieur. »[...]
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