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La bataille de Karbala (680) |
Les erreurs des historiens
Les « erreurs » des historiens sont analysées dans l’Introduction générale à travers une série d’exemples dont nous avons choisi ici quelques-uns des plus significatifs.
L’histoire (târîkh) est une branche du savoir au chemin escarpé ; elle est de grande utilité et de noble but ; elle nous fait connaître les conditions (ahwâl) des nations passées, des prophètes, des rois respectivement quant à leurs caractères, leurs conduites, leurs dynasties et leur politique. Ainsi qui le désire y peut bénéficier pleinement d’exemples pour les choses religieuses ou mondaines.
L’histoire fait appel à des domaines multiples et à des connaissances variées, exige des qualités de réflexion théorique (nazar) et de fermeté d’esprit (tathabbut) susceptibles de conduire au vrai (al-haqq), de préserver des faux pas et des erreurs.
Car si les informations contenues dans les récits (al-akhbâr) sont jugées du seul point de vue de leur transmission (an-naql) sans être examinées à la lumière des modèles de l’expérience (uçûl al-‘âda), des règles de la politique (qawâ’id as-siyâsa), de la nature de la civilisation (al-’umrân) et des conditions de la vie en société (ahwâl al-ijtimâ al-insânî), et sans que les faits passés soient évalués par analogie avec les faits présents, on ne peut se prémunir contre les faux pas et la déviation hors du chemin de la vérité (jâddat aç-çidq).
Bien souvent, les historiens (al-mu’arrikhûn), les commentateurs du Coran, les grandes autorités en matière de sciences traditionnelles, ont commis des erreurs dans leur narration des anecdotes et des événements, pour n’avoir pris en considération que le côté de la simple transmission (an-naql).
N’ayant recours ni à la comparaison avec des modèles ou des cas semblables, ni au criterium de la sagesse, ni a la nature des choses, ni à l’examen des récits à la lumière de la réflexion théorique et de l’intelligence, ils se sont écartés du vrai, se sont perdus dans le désert de l’illusion et de l’erreur.
C’est ce qui arrive, en particulier, lorsqu’il est question de sommes d’argent ou d’effectifs militaires. Car les chiffres sont ce qui se prête le plus au mensonge et aux vaines paroles, et il est nécessaire de les confronter aux modèles et aux règles.
Ibn Khaldoun.
Extrait de Peuple et nations du monde.
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